"Peu m'importait l'heure, j'attendais, éveillée, le bruit de tes talons..."

arton241

Becky est une chanteuse reconnue et fortement égocentrique, exclusivement préoccupée par sa carrière. Elle retrouve avec sa joie sa fille, Rebeca, après quinze ans d'absence. Le bonheur semble partagé, Rebeca adorant sa mère depuis toujours malgré la distance imposée par celle-ci.

Rebeca est aujourd'hui présentatrice du journal télévisé, et a pour ami Letal, un sulfureux travesti. Elle est mariée à Manuel, qui fut l'amant de Becky et qui n'a de cesse de reprendre leur relation. Un jour Manuel est retrouvé assassiné. Rebeca s'accuse du meurtre de son mari en direct à la télévision. C'est alors qu'intervient un juge étrange, chaussé de grosses lunettes, dont la mère à moitié folle et alitée collectionne les coupures de journaux concernant Becky...

Talons Aguilles fait partie à mon avis, des meilleurs films d'Almodovar, en tout cas dans la sélection que Pousse et moi avons faite pour notre année consacrée au réalisateur, il figure parmi mes préférés. J'ai aimé y retrouver l'univers coloré et plein de fantaisie du réalisateur, qui m'est désormais familier : les objets, chaises rouges au début du film, boucles d'oreilles lourdes et clinquantes, mais aussi les vêtements, pulls bariolés, robes à paillettes, qui contrastent curieusement avec les tenues strictes de Rebeca, qui ne manque pas de classe. On y retrouve également les thèmes favoris du réalisateur dont celui du travestissement, de l'identité multiple, figurée par le juge masqué, par Létal qui se travestit en Becky pour le plus grand bonheur de Rebeca, mais aussi par la femme qui traduit simultanément le journal de Rebeca en langues des signes. Assises l'une près de l'autre sur le plateau, les deux femmes sont à la fois doubles et contraires, la traductrice apparaissant aussi délurée et exubérante que Rebeca est sobre et émouvante lors de ses aveux chocs face aux caméras. J'ai beaucoup aimé l'interprétation de Victoria Abril, délicieuse dans le rôle de Rebeca, qui tire son épingle du mélo avec beaucoup de justesse. Car "Talons aiguilles", ne nous y trompons pas, malgré ses allures de thriller, est un mélo total, où l'on pleure beaucoup, où les larmes s'écrasent de façon esthétique sur le trottoir (sublime !) où l'on apprend que ceux qu'on aime sont morts ou vont mourir, où les enfants eux-mêmes vont jusqu'à donner la mort par amour. Seul l'amour filial demeure, malgré les années, malgré la distance et les apparences. Viscéralement égoïste, Becky n'en est pas moins capable d'un sublime sacrifice par amour pour sa fille.

Si "Talons Aiguilles" est un film lacrymal, il fait aussi sourire car Almodovar aime associer l'incongru à l'émotion, comme lorsque mère et filles sont attachées l'une à l'autre par leurs boucles d'oreilles, ou quand la cour de la prison devient piste de danse, de façon totalement inattendue. Talons Aiguilles est un film qui ne surprendra certes pas les habitués d'Almodovar (Acteurs purement almodovariens- Paredes, Abril...- thèmes de prédilection, toujours un peu les mêmes...) mais dont la verve, la fantaisie, le fameux équilibre entre le rire et les larmes, l'amour du spectacle qui transpire à chaque image, sont un vrai bonheur à découvrir ou à redécouvrir.

Le mois prochain, on regarde "En chair et en os" :)  mais d'abord, on va voir ce que ma copine Pousse a pensé du film !

                  

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