Contes grivois de Guy de Maupassant, lus par Sophie Duez
"Elle se teignait les cheveux, lisait parfois des romans qui lui faisaient passer des rêves dans l’âme"
C'est encore une fois en version audio que je (re)lis Maupassant, tout simplement parce que la nouvelle, courte et distrayante, est parfaitement adaptée, je trouve, à l'écoute. Quand je vais travailler, Maupassant est mon allié (ok c'est pour la rime).
Je choisis néanmoins avec soin mes lecteurs car une lecture mal faite peut gâcher totalement le plaisir. J'ai par exemple tenté d'écouter des contes de Dickens pas plus tard que ce matin, et je crois que je n'irai pas au bout, tant la voix qui lit m'insupporte. Fin de la parenthèse. Pour Maupassant, je suis encore plus exigeante. Renucci était tellement bon que la barre est haute.
J'ai opté pour une lecture légère (souvenez-vous, j'en ai marre de pleurer) et ces contes grivois, au nombre de quatre, m'ont fait passer un excellent moment. Sophie Duez est une lectrice délicieuse. Sa voix au timbre grave, fort agréable, devient subtilement malicieuse lorsqu'elle évoque l'acariâtre Palmyre de "La Serre", en manque de câlins, ou la jolie baronne de Grangerie, bien embarrassée de sa coquine aventure ("Le Signe")... Sophie Duez sait se faire bougonne, amusée, coléreuse, faussement naïve, lascive... J'ai beaucoup aimé la jolie description de la petite marquise de Rennedon, seule dans son lit au petit matin. La voix devient caressante, la comédienne prend son temps pour lire ces quelques lignes :
"La petite marquise de Rennedon dormait encore, dans sa chambre close et parfumée, dans son grand lit doux et bas, dans ses draps de batiste légère, fine comme une dentelle, caressants comme un baiser; elle dormait seule, tranquille, de l’heureux et profond sommeil des divorcées"
Tout un poème...
L'écrivain au regard habituellement féroce et cynique livre dans ces textes choisis par Sophie Duez elle-même, une autre facette : celle d'un amoureux de la vie, des femmes, des plaisirs charnels. Le cynisme a fait place ici à la gaillardise, une gaillardise feutrée et sensuelle, sans la moindre vulgarité. J'ajouterai que la lecture de Sophie Duez est agrémentée de poèmes et chansons d'époque, gentiment coquines, telles Partie carrée entre les Boudin et les Bouton, dont voici les paroles :
ll y avait un nommé Boudin
Y avait un nommé Bouton
L'un pourvu d'une madame Bouton
Et l'autre d'une madame Boudin
Au Sacré Cœur, madame Bouton
Avait connu madame Boudin
À Condorcet, monsieur Boudin
Avait connu monsieur Bouton
Tous les dimanches les Boudin
Offraient le spectacle aux Bouton
Mais en revanche les Bouton
Payaient à souper aux Boudin
On ne voyait pas les Bouton
Sans voir aussitôt les Boudin
Quand on invitait les Boudin
Fallait inviter les Bouton
Le bottier de monsieur Boudin
Bottait aussi monsieur Bouton
L'couturier de madame Bouton
Couturait d'même madame Boudin
Comme position monsieur Bouton
Vendait des chapelets de boudins
Comme position monsieur Boudin
Vendait des chapelets de boutons
Naturellement Monsieur Boudin
Faisait d'l'œil à madame Bouton
Mais naturellement monsieur Bouton
Faisait d'l'œil à madame Boudin
De sorte que madame Bouton
Faisait avec monsieur Boudin
Juste ce que madame Boudin
Faisait avec monsieur Bouton
Un beau matin monsieur Boudin
Dit: J'vais être père, mon vieux Bouton !
Ah! C'est épatant répond Bouton
J'vais l'être aussi, mon vieux Boudin !
C'est ainsi que madame Bouton
Mit au monde un petit Boudin !
C'est ainsi que madame Boudin
Mit au monde un petit Bouton !
Voilà !
Mon amie Laure a aussi lu Maupassant. C'est par ici :)