La brisure- Hélène Lenoir

Ce  recueil de nouvelles est sans doute l'une des mes plus belles lectures de ces derniers mois. Une heureuse surprise aussi, car il était dans ma PAL liseuse depuis le tout début et je l'avais presque oublié. 

Au coeur de ces dix textes, la famille, le couple et le langage. Les hommes et les femmes (souvent désignés par "il", "elle","nous" ...) d'Hélène Lenoir dialoguent, monologuent. Ils s'invectivent, se battent, laissent parfois les autres parler à leur place, comme dans l'extraordinaire "Une île en Grèce" où la soi-disant timidité de Monsieur arrange bien les affaires de Madame :"  On l'admire et elle le sait. Nous nous sommes trouvés. Elle rayonne à mes côtés. (...) sans moi, petit, en retrait, à peine visible dans l'ombre l'image serait terne, commune (...)"

Outre le langage, c'est aussi avec les corps qu'ils communiquent : gestes, soupirs, postures... Hélène Lenoir traque la faille, et ses nouvelles méritent une seconde, voire une troisième lecture, pour tenter de mettre à jour ce qui n'est pas dit mais sous-tend le texte. Le discours lui-même n'est pas neutre. Sous la banalité apparente du propos, se cachent l'angoisse, la solitude, ("Les après-midi") la culpabilité aussi, par exemple celle de l'homme qui abandonne sa chienne: "ce voyage du retour, avec cette couverture vide que j'ai jetée à mi-chemin, mes jurons, mes larmes, ce dégoût, cette rage... je chantais peut-être dans la voiture? C'est ça qu'elle doit s'imaginer ! Les chiens, ça ne se met pas dans la peau des gens, ça pense sans nuance : le bourreau, la victime, terminé !..." ("La chienne")

 J'ai beaucoup pensé à Nathalie Sarraute en lisant Hélène Lenoir. Elle en est la digne héritière, l'humour en plus. (Je ne sais pas, peut-être suis-je passée à côté des textes amusants de Sarraute, quand j'étais étudiante...) Il faut lire la très drôle et très réussie nouvelle intitulée "Les sports d'hiver" où le désir s'invite dans une banale rencontre sur le trottoir, d'une manière pour le moins inattendue :

-Mais vous n'avez presque pas eu de neige, alors !

 "Lentement, leurs antennes se déplient, s'effleurent, se reniflent.

- Si, si, on a eu de la chance. Et de la très bonne neige même, une poudreuse idéale ! Il la fait tourner devant lui. Deux jours après on aurait eu de la pluie, nos amis nous l'ont dit au téléphone... Il la déshabille doucement avec détermination, savoir-faire.

Ah ! Vous avez des amis là-bas ! C'est pas mal, ça,(...) ça fait un point de chute...

Comme si sa main large et forte se posait sur sa croupe."

Des textes drôles ou plus dramatiques. Dans "L'ogresse", une des mes nouvelles préférées du recueil, des amants se séparent, mais pas un seul mot de rupture n'est prononcé :

"Il apparaît et instinctivement ses bras s'ouvrent, son corps se lève, se meut, léger, à sa rencontre (...) mais il ralentit, s'arrête même, se baisse et refait son lacet, lentement, puis il se redresse et frotte l'étoffe de son pantalon à la hauteur des genoux (...) 

Il se tourne vers un massif de fleurs à l'entrée du jardin, s'y attarde, touche les corolles pâles et les respire en fermant les yeux."

Je pourrais parler des heures de ce recueil et continuer à citer longuement les passages que j'ai aimés : il y en a pléthore. Je vais terminer ce billet en saluant la beauté de l'écriture d'Hélène Lenoir. Sa prose est somptueuse, poétique, fine et précise, elle m'a procuré beaucoup de bonheur.

Comments

[Asphodèle]

Je connais des gens qui adorent Hélène Lenoir, je les suivais au tout début de mon blog et j'avais noté quelques titres sans jamais passer à l'action mais avec ce que tu en dis, c'est sûr je vais la lire !!! :lol: Bises ma Comète♥

[evalire]

de l'humour, voilà un élément qui me tente bien en ce moment .

[evalire]

de l'humour, voilà un élément qui me tente bien en ce moment .

[Alex mot a mots]

Tu arriverais presque à me convaincre de lire des nouvelles.

[keisha]

Hé bé quel enthousiasme! Je note, car c'est le mois de la nouvelel chez Flo...