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Aux Bouquins Garnis
5 novembre 2012

"Chez les heureux du monde"- Edith Wharton

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Edith, du blog "Les livres d'Eden" et moi avons un point commun : nous aimons toutes les deux Edith Wharton. Pour ma part, depuis peu de temps, et ma connaissance de l'auteur se limitait à Ethan Frome (lointain souvenir) et à deux très bons recueils de nouvelles, chroniqués ici et . Avec Edith, nous avons décidé d'unir nos forces d'une lecture commune et c'est sur le roman " Chez les heureux du monde " que s'est porté notre choix. Heureux choix :))

Au début du XXe siècle, dans la haute société new-yorkaise, Lily Bart semble à l'aise comme un poisson dans l'eau.  Cette jolie jeune femme ne saurait en effet se passer de luxe, d'argent, de mondanités, et rêve de trouver un riche mari qui pourvoierait à ses besoins. Car Lily n'a pas un sou. Orpheline, elle vit aux crochets d'une vieille tante qui peut-être fera d'elle son héritière. Peut-être... En attendant ce jour, la demoiselle côtoie le beau monde, celui des oisifs fortunés, qui affichent leur richesse et aiment se montrer en sa compagnie, car Lily est non seulement jolie mais  intelligente, raffinée, d'une "indéfectible souplesse". Un peu naïve aussi. Je ne résumerai pas davantage, mais le retour de bâton sera terrible.

Ce roman est magnifique, ce roman est bouleversant. Admirable, cinglant, puissant ... Je n'ai pas de qualificatifs assez forts pour décrire "Chez les heureux du monde". Lily Bart est un incroyable personnage, à la psychologie compliquée, qu'on peine à cerner au début. Elle avance à pas feutrés, va de soirées en croisières, prend un certain nombre des claques et toujours se relève dignement.  On découvre peu à peu le pourquoi de ses ambitions, la raison de ses choix pour le moins contestables. (être prête à épouser un type qui vous répugne parce qu'il est riche, c'est contestable, non?)

"Percy Gryce l'avait assommée tout l'après-midi (rien que d'y songer semblait réveiller un écho de sa voix monotone), et pourtant elle ne pouvait l'ignorer le lendemain, il lui fallait poursuivre son succès, se soumettre à plus d'ennui encore, être prête à de nouvelles souplesses, et tout cela dans l'unique espoir que finalement il se déciderait peut-être à lui faire l'honneur de l'assommer à vie."

 Encore une fois, c'est la dure condition des femmes du début du siècle que l'auteur décrit à travers Lily :  le choix est simple. Lorsqu'on est une femme sans argent, il faut se marier ou... se marier ! L'idée de travailler pour gagner sa vie semble une hérésie (le travail est réservé aux classes laborieuses, comble de l'horreur) et de toute façon, Lily n'a aucun talent, aucun don pour quoi que ce soit. Je disais plus haut qu'elle était naïve, ce qui ne l'empêche pas d'avoir quelques étonnants éclairs de lucidité : "Elle avait été façonnée pour être un ornement délicieux : pour quelle autre fin la nature arrondit-elle le pétale de rose ou peint-elle la gorge du colibri?" ou encore: "Je suis un être absolument inutile (...) je n'étais tout juste qu'une vis ou un écrou dans la grande machine que j'appelais l'existence et quand je suis tombée de là, j'ai découvert que je n'étais d'aucun usage nulle part ailleurs. Que faire quand on s'aperçoit qu'on ne peut s'adapter qu'à un seul trou? Il faut ou bien y retourner, ou bien être jeté au rebut."

Ah, Lily Bart... elle est de ces personnages de roman inoubliables qui étonnent, énervent, émeuvent, bouleversent : elle fait les mauvais choix, perd de l'argent, s'endette, s'attire la haine de quelques vipères, ne saisit pas la main que l'impécunieux et amoureux Selden lui tend (idiote !), fréquente des infréquentables, se ressaisit, retombe, glisse, glisse, se raccroche... et glisse... on  pourrait se dire qu'elle n'a que ce que ce qu'elle mérite tant elle se montre têtue et pourtant non. Les portes se ferment une à une, les prétendants se détournent et nous, on a mal au coeur pour elle.

Je ne peux terminer ce billet sans évoquer la peinture au vitriol, brillantissime, de cette société clinquante et vaine qui attire Lily comme la lumière le papillon. Là aussi, c'est un régal de précision, de cruauté, d'ironie : "Vous pourriez aussi bien dire que le seul moyen de ne pas penser à l'air, c'est d'en avoir assez à respirer. C'est vrai, en un sens; mais vos poumons pensent à l'air, si vous, vous n' y pensez pas. Il en va de même avec les gens riches : il se peut qu'ils ne pensent pas qu'à l'argent, mais ils ne cessent pas un instant de le respirer : transportez-les dans un autre élément, et voyez comme ils se débattent et comme ils halètent! " 

Enfin je voudrais souligner que la fin des "Heureux du monde" est une des plus belles que j'ai pu lire, de celles qui coupent le souffle, vous laissent le coeur serré et les yeux  humides. Je n'exagère pas.

Un grand merci à toi, Edith, pour avoir partagé ce chef-d'oeuvre avec moi :)On recommence quand tu veux !

Je vous invite à aller lire son billet ici.

 trois challenges:

Celui de George :

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Celui de Litote :

 

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Et le mien, catégorie "J'ai rencontré l'amour voiture 14" . Lily rencontre Selden (amoureux possible) à la gare, au tout début du roman.

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Commentaires
A
Un enthousiasme que je partage : le papillon Lily qui se brûle les ailes à des lumières vaines ... Une superbe héroïne ! Mais Selden, il m'a énervée aussi !!! Il aurait pu sortir le parachute quand même : quel trouillard frileux !
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D
C'est certainement le meilleur roman et aussi le plus noir d'E Wharton, la condition féminine dans toute son horreur, le rôle protecteur du mariage qui lorsqu'il est absent laisse la femme bien fragile devant la société <br /> <br /> un livre vraiment magnifique et l'adaptation cinéma est assez réussie
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S
Ce billet donne très envie, j'avais déjà noté cette auteure, mais pas forcément ce roman. Ce que tu dis de la fin titille ma curiosité !
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L
Ca donne à ma LAL l'envie d'être déraisonnable!!!
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M
Je ne connais pas cet auteur mais ton billet donne vraiment envie de combler cette lacune !
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