"Le rouge et le blanc"-Jean-Marie Laclavetine
Dans la série des recueils de nouvelles qui valent le détour... je vous conseille celui-ci. J'ai de la chance en ce moment avec les nouvelles, toutes celles que je lis sont superbes. J'en ai moins avec les romans:-)
Nous avons là dix textes, d'une grande force, ayant pour thème le vin. Piquette ou grand cru, vin blanc ou vin rouge, il est l'enjeu, le coeur de ces histoires, que j'ai trouvées follement agréables à lire. Fauteur de trouble, objet de désir, de conflit, ("Vendanges tardives") le vin est celui qui sépare ("Question d'étiquette") ou lie les amants pour toujours ("Paradis"), il grise ou enivre sévèrement... et la chute peut s'avérer rude ...("Djinn","Accessoires"). De la jouissance au cauchemar ("Dans la cave") le pas est vite franchi. Nul besoin d'être un oenologue confirmé, ou même de s'intéresser au vin pour apprécier cette lecture, ce n'est pas du tout mon cas et je me suis pourtant régalée.
L'écriture de Jean-Marie Laclavetine y est naturellement pour quelque chose. C'est qu'il écrit bien, le monsieur. Il a un sens aigu du détail, sait tout à la fois être précis, élégant, poétique, subtilement ironique... Laclavetine est aussi un vrai raconteur d'histoires : le suspense, l'émotion, la pychologie des personnages, les chutes surprenantes, la tension nécessaire à la réussite d'un texte court, tout est là. Si le vin est le ressort essentiel de chacune de ces nouvelles, l'auteur aime varier les époques, les situations, les formes : dialogues, monologues... Aucun risque de lassitude, je les ai lues en une après-midi ou presque.
En bref, des nouvelles de très bon cru. (je sais, elle est facile, mais j'ai pas pu résister... Et encore vous avez échappé à "Laclavetine, c'est pas de la piquette", "des nouvelles pas saoulantes du tout","ces nouvelles sont enivrantes" etc... Ok je sors.)
Un extrait :
"Tout en conservant, sans doute en raison de mes racines paysannes, une tendresse fidèle pour les vins de pays, j'ai commencé à édifier ce qui m'apparaissait comme devoir être (...) l'oeuvre de ma vie: "une cave de vieux garçon". La cave du vieux garçon se compose d'au moins cinq mille bouteilles- à l'exclusion du fond de roulement destiné à la consommation quotidienne. Elle doit être riche en crus de longue garde, variée, suffisamment bien équilibrée pour permettre de faire face à toutes les situations. Sa constitution doit être achevée le jour où son propriétaire fête ses cinquante ans. Au delà de cette date, il ne lui reste plus qu'à utiliser son tire-bouchon, et à se laisser glisser sans efforts jusqu'à la fin de ces jours, le reliquat éventuel devant servir à égayer les amis lors du repas d'enterrement". (Dans la cave, p.67)
Challenge"Douce France" chez Evy.