Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Aux Bouquins Garnis
24 mai 2019

L'amie prodigieuse, tome 4 : L'enfant perdue- Elena Ferrante

 

L-enfant-perdue"Les livres on les écrit pour être entendu, pas pour se taire"

Beaucoup d'appréhension et d'attente autour de ce dernier tome de "l'Amie Prodigieuse" (ou comment se créer du stress inutile... comme si la vie n'était pas une source suffisante d'anxiété, voilà que je me fais des noeuds au cerveau sur "l'Amie Prodigieuse", cherchez l'erreur...)

j'ai reculé, reculé cette lecture parce que :

1. Peur de la déception (on m'avait parlé d'une fin toute naze...)

2. Peur de voir se terminer définitivement une série que j'adore

3. Plus c'est long plus c'est bon alors faisons durer le plaisir pour atteindre l'extase...

Et puis finalement une discussion avec Galéa dans les mêmes affres que moi a eu raison de mes réticences : j'ai lu, j'ai avalé même (600 pages en moins de trois jours) et adoré ce quatrième volume qui clôt de façon mystérieuse, énigmatique mais néanmoins très belle l'histoire de Lenù et Lila, deux filles devenues femmes et mères, inextricablement liées par une amitié profonde et disons-le, assez tordue.

A la fin du troisième tome, nous avions laissé Elena dite Lenù, brillante écrivaine, mariée, mère de deux petites filles, en proie à des atermoiements amoureux insolubles jusqu'à ce qu'elle prenne la décision de rejoindre Nino, qu'elle aime depuis toujours, laissant en plan mari et enfants. Quant à Lila, elle est la mère de Gennaro, né de son mariage catastrophique avec Stefano, la compagne d'Enzo et vit toujours à Naples où elle gère avec son amant une société d'informatique qui prospère. Les chemins des deux amies divergent mais évidemment, elles ne peuvent que se retrouver... (sinon y'aurait pas de saga)

Je n'en dirai pas plus sur l'histoire elle-même si ce n'est que ce quatrième tome, celui de la maturité, est traversé par de terribles drames, des déceptions, des échecs, des déchirements, des trahisons et qu'il est passionnant de la première à la dernière ligne. S'il y a des longueurs et il y en a peut-être car le livre est bien épais, je n'en ai pas souffert, tant j'ai été heureuse de retrouver Lila et Lenù que l'âge n'a fort heureusement pas rendu plus raisonnables ou moins passionnées. Elles sont  toujours aussi insupportables  (surtout Lenù... vous verrez à quel point), mais terriblement attachantes et si finement dépeintes qu'on croirait les connaître en vrai. Elena Ferrante est douée au point d'avoir bâti un univers où les personnages prennent vie et luttent sous nos yeux pour exister, aimer, écrire, être amantes, amies et mères, tout ça à la fois, dans une Italie tumultueuse politiquement et économiquement (soixante ans d'histoire italienne en toile de fond de cette saga, tout de même : une scène magnifique nous montre Lila faisant découvrir un ordinateur à son amie, nous sommes dans les années 80).

Autour de Lila et Lenù, un monde: les familles, les clans que l'on retrouve dans chaque épisode de la série, celui des Greco, des Cerullo, des Carracci, des puissants Solara : Marcello et Michele, ce dernier toujours obsédé par Lila ... Un monde qui se déchire, se jalouse, s'aime et se hait parfois jusqu'à la mort. Un monde vibrant et passionnant, aussi vibrant que la plume de celle qui le fait vivre. Une plume vivante et précise, alerte mais qui prend malgré tout son temps pour créer des personnages à la psychologie complexe, tellement plus que de simples contours, un des écueils des grandes fresques, où les événements prennent quelquefois le pas sur la densité des personnages. Ici, au contraire, Lila et Lenù, au travers de ce qu'elles vivent, par exemple la grossesse et la  maternité vécues de façon si différente pour l'une et l'autre, permettent de poser de vraies questions sur le statut de la femme, sa vie d'épouse, d'amante, son rôle dans le couple, l'amour que l'on doit à ses enfants. Malgré l'acharnement qu'elle met à s'accomplir dans tous les domaines, Lenù doit batailler dur pour ne rien lâcher, faire front en dépit de la désapprobation, voire  l'hostilité de ceux qui l'entourent, y compris celle de Lila, pour qui les choix de Lenù demeurent incompréhensibles. Deux vies si différentes, deux femmes que tout semble opposer et qui n'auront pourtant de cesse de veiller l'une sur l'autre, jalousement, avec férocité, sans ménagement. L'amitié prodigieuse est aussi sans concession.

Cette ultime volume, comme son titre l'indique, est celui de la désillusion, de la résignation fataliste qui fait dire à Lenù décillée, après l'échec de son mariage avec Pietro :" peut-être que les choses ne peuvent se passer qu'ainsi avec les hommes : il faut vivre un peu avec eux, leur faire des enfants, et puis voilà".

Il est aussi et surtout celui de la perte, (inconcevable, j'en suis encore toute retournée...) et la lectrice que je suis a en effet eu le sentiment de perdre quelque chose en terminant cette formidable saga. Que de merveilleux moments de lecture m'a offert "L'Amie prodigieuse" ! Que de bonheur, de tristesse, d'indignation aussi !

 J'ai lu quelque part qu'avec cet ultime volume, la boucle était bouclée... pour ma part, elle ne l'est pas tout à fait. De nombreuses questions demeurent en suspens et je n'ai aucune envie de lâcher Lila et Lenù pour toujours. Je rêve d'un tome 5.

 

"D'après moi, Lila était dotée de clairvoyance, un don que je lui attribuerais toute la vie, et je n'avais aucun mal à l'avouer. Je me disais que c'était cela, être adulte : reconnaître que j'avais besoin de ses encouragements. Si, autrefois, je me cachais à moi-même qu'elle avait le pouvoir d'enflammer mon imagination, aujourd'hui j'en étais fière, et j'avais même écrit quelque chose à ce sujet. Moi j'étais moi, et c'est précisément pourquoi je pouvais lui faire de la place en moi et lui donner unhe forme solide. Elle au contraire ne voulait pas être elle, et donc ne savait pas en faire autant"

Cette belle lecture a été faite en duo avec mon amie Laure. Son billet est ici. Merci copine :)

 

Publicité
Publicité
Commentaires
E
C'est très spécial ce 4e tome. Elena est pour moi beaucoup trop égocentrée et elle le montre vraiment ici.
Répondre
U
si ça se trouve il y aura un tome 5 !!!
Répondre
E
J'ai vraiment adoré cette saga et suis, comme toi, un peu triste de quitter Lenù et Lila...
Répondre
Aux Bouquins Garnis
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Newsletter
Publicité