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Aux Bouquins Garnis
29 juin 2017

Tristesse de la terre- Eric Vuillard

 

 

tristessedelaterre

        "Et maintenant Sitting Bull est seul dans l'arène ; la grande chose qu'il aimait est restée en arrière, très loin, Et, ici, dans les gradins, ils ne sont venus que pour ça, tout le monde est venu voir ça, simplement ça : la solitude."

Après le grand bonheur que m'a procuré la lecture de "Quatorze juillet", j'ai eu envie de poursuivre avec Eric Vuillard. Son écriture est tout simplement incroyable et "Tristesse de la terre" étonnant de bout en bout. Une bien belle surprise.

Malgré un sous-titre explicite : "une histoire de Buffalo Bill Cody", j'étais convaincue de lire le récit de vie d'une indienne, allez savoir pourquoi. Je trouve très belle la photo ornant la couverture du livre et j'avais envie d'en savoir plus sur cette jeune femme, au regard pensif et triste. C'est sans doute cela... mon désir de lectrice a pris le pas sur l'intitulé pourtant clair et il me semblait qu'Eric Vuillard avait évoqué ce personnage à La grande Librairie. Je me trompe peut-être. 

En réalité, c'est bien de Buffalo Bill dont il s'agit, un Buffalo Bill dont je découvre à la lecture bien d'autres choses que le fameux aventurier de l'ouest de mes souvenirs de gamine. J'ignorais que ce personnage de légende était le fondateur de la ville de Cody et à l'origine du divertissement de masse : il fut en effet le créateur du "Wild West Show", un célèbre spectacle qui remporta un formidable succès auprès du public de l'époque, avant de tomber en désuétude, balayé par d'autres spectacles plus modernes.

L'intérêt de "Tristesse de la terre" n'est pas simplement biographique. La vie de Buffalo, bien que passionnante, l'est tout autant que la découverte par le lecteur de la tragédie dissimulée derrière le divertissement et  l'injonction de l'auteur à la prise de conscience devant le traitement ignoble réservé aux indiens exterminés -terrible chapitre consacré au massacre de Wounded Knee, j'ignorais tout de cet épisode- humiliés, maltraités, condamnés à interpréter et donc à revivre devant un public hilare et vindicatif les batailles qui décimèrent leur peuple... 

Eric Vuillard a l'art et la manière de narrer les choses, de mêler en beauté les registres de langue. Sa voix tout à fait singulière m'avait déjà ravie lors de ma précédente lecture. Ici, il intercale à son récit d'authentiques photos extrêmement parlantes (indiens, soldats, portraits saisissants de Buffalo...) et choisit un mode de narration non chronologique. Il mêle les épisodes à la biographie proprement dite, propose une réflexion sur" l'essence du spectacle" et surtout, saisit le lecteur par le col, l'interroge, l'invite à réfléchir, le provoque même : "à présent, regardons. Oui, regardons de tous nos yeux, de toutes nos forces. (...) Et maintenant imaginons un instant- oh seulement un court instant- que tout ce que nous avons là autour de nous, nos maisons, nos meubles, nos frusques, notre nom même, nos souvenirs (...) tout, absolument tout pourrait nous être retiré, pris, sifflé." 

 J'aime vraiment beaucoup cet auteur, l'empathie dont il fait montre envers les sujets qu'il traite, ici le peuple indien martyrisé -ailleurs les petites gens qui renverseront la monarchie et tomberont dans l'oubli- le récit éprouvant et si fort de la fameuse bataille qui le réduisit à néant, l'émotion pure, la dimension quelque peu hugolienne de sa pensée- oui je pense à Victor Hugo quand Vuillard interpelle le lecteur, il a de cette éloquence, de cette fougue que j'aime tant chez mon cher Victor- la force du style, à la fois brutal et poétique... Tout cela m'incite à vous conseiller de le lire au plus vite.

"Les baïonnettes déchiraient les bras, ripaient sur les crânes. On braillait des ordres impossibles à entendre. Les canons tiraient sur les tentes, au hasard. Les châlits s’écroulaient, carbonisés. On courait de toutes parts. Des chariots s’effondraient sous le poids des corps. Puis les canons se mirent à tirer en direction de la plaine afin d’atteindre les fuyards.
Soudain, il n’y eut plus un bruit. Ça faisait comme un drap dans le vent. Les soldats baissèrent leurs fusils. Que se passait-il ? Le silence avait quelque chose d’effarant. Les soldats se regardaient, interdits"

 

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Commentaires
L
Toujours pas découvert cet auteur... va falloir que je m'y mette un jour !
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S
Je ne pense pas le lire, mais je trouve cette couverture et ce titre très beau.
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A
Quel beau titre.
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V
Jamais lu non plus mais ton enthousiasme est évident. Pour les vacances peut-être...<br /> <br /> Bisous
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J
Jamais lu cet auteur mais c'est clairement le titre de sa bibliographie qui me tente le plus.
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