Fief- David Lopez
"Jonas dans la vie t'es comme dans le ring, tu fais que d'esquiver"
Je me suis précipitée sur le Iivre Inter juste après la remise du prix, saluée par la présidente du jury Leila Slimani (elle je l'adore, elle pourrait me conseiller de lire le bottin, je crois que je lui ferais confiance, après "Chanson Douce", sachez que ma vie n'a plus tout à fait été la même...).
"Fief", c'est l'histoire, ou la non-histoire, de Jonas et sa bande de potes, lourdingues mais pas méchants, qui végètent dans une banlieue pas si sinistre, mais ou l'on s'ennuie ferme, où rien ne se passe, où l'on ne fait surtout rien pour échapper à cette léthargie, accentuée par les vapeurs du joint qu'on fume à longueur de journée, journées ponctuées parfois de quelques matchs de boxe que l'on ne gagne pas- Jonas a du talent, il pourrait... mais il est sans cesse dans l'esquive, sa vie se résume à fuir- d'interminables parties de cartes, de tentatives avortées pour "pécho". "Fief" pourrait être un livre déprimant sur la déshérence d'une génération sans avenir, il échappe à cela, grâce à une langue savoureuse et drôle, une oralité somme toute très travaillée qui m'a plutôt séduite. Certains passages sont épatants, comme le récit du Candide de Voltaire à la sauce banlieue (j'ai ri, c'est vraiment excellent) ou la fameuse dictée sur un texte de Céline, morceau de bravoure, hilarant, à lire et à relire. J'ai beaucoup surligné car le texte fourmille de petites phrases percutantes. Ces beaux moments sont hélas plombés par des descriptions minutieuses et hyper réalistes-mortellement ennuyeuses- des combats de boxe (une plaie à lire, j'ai failli lâcher pour de bon) et autres scènes enlisées dans une durée mollassonne. L'ennui des personnages est contagieux : si le but de David Lopez était d'ennuyer le lecteur pour lui faire comprendre ce que vivent ces jeunes et susciter l'empathie, il a parfaitement réussi. Sans empathie toutefois pour moi, je ne suis pas vraiment parvenue à m'attacher à Jonas et ses amis. Il m'a manqué quelque chose.
Je ne regrette pourtant pas ma lecture, à la fois enthousiasmante et... profondément barbante. Très atypique, ce "Fief" dont je comprends qu'il puisse intriguer, révulser ou qu'on l'adore, tout simplement. Je me situe entre tout ça. Une lecture en dents de scie, que j'ai menée jusqu'au bout, non sans peine.
"C'est quoi ton style de meuf à toi je lui demande. Tout ce qui est à un guichet il répond. Pourquoi? Parce que au moins là elle est coincée la meuf"