Les fantômes du vieux pays- Nathan Hill
"Quitter chez elle, c'est une seconde nature"
Waow... en me plongeant dans ce pavé de 700 pages, je ne me doutais pas que j'allais tomber sur THE livre et découvrir un génie américain comme seule en possède l'Amérique :)
Il est énorme ce livre, par son poids, par sa densité, par son intensité, par sa profusion qui jamais, pas une seule seconde, ne nous perd, alors qu'il est question de Samuel, universitaire désoeuvré, de sa mère Faye qui l'a abandonné alors qu'il n'était qu'un gamin et qui soudain reparaît dans sa vie d'une étrange façon -elle a balancé des cailloux sur un candidat à la présidentielle et son geste fait le buzz- qu'il est question de tout ça, mais aussi de l'Amérique toute entière, des années 70, de la Norvège, de ses légendes, des fantômes qui vous poursuivent toute votre vie, des guerres, celles d'hier et d'aujourd'hui, du monde des livres, de la musique, des politiques, des universités et des étudiants... Nathan Hill parle de tout ça formidablement bien. Avec finesse, humour, intelligence, tendresse, ironie.
C'est un génie.
Il nous parle d'amour, d'amitié, d'addiction avec une maestria qui force l'admiration. La toile narrative qui semble s'étendre jusqu'à l'éclatement est en réalité tellement serrée qu'il n'y a aucun risque qu'elle se déchire. Rien ne se perd chez Nathan Hill, tout ce qu'il raconte est utile, les histoires des uns et des autres se répondent parfaitement et ce jusqu'à la dernière ligne. L'écriture est belle, fluide, agréable, littéraire et jamais pédante.(Chapeau au travail de la traductrice : impressionnant !) Pourtant, il en connaît des choses, ce Nathan Hill. La fiction qu'il nous sert est incroyablement documentée. Certains passages sont époustouflants de réalisme et nous emportent littéralement. Je pense aux fameuses émeutes de Chicago de 68, décrites d'une façon tellement épatante qu'on se croirait parmi les hippies protestataires tabassés par une police hors de contrôle... Eh oui, "Les fantômes du vieux pays" est aussi un roman épique, un roman de la foule... Humain, contemporain, d'une telle ampleur qu'on se demande comment l'auteur, encore jeune et plein d'avenir, va pouvoir faire mieux...
Ce livre sorti en 2017 sera probablement le livre de mon année 2018 !
"Tout le monde aime les prodiges (...). Les prodiges nous permettent d'échapper à l'ordinaire de nos vies. Nous pouvons nous dire que si nous n'avons rien d'exceptionnel, c'est de naissance, et c'est la meilleure des excuses"
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"Si elle pouvait s'en aller, pourquoi pas lui ? Alors il le fit. Il s'en alla, surpris que ce soit si facile. Il marcha le long du trottoir, n'essaya même pas de courir ou de se cacher. Il marchait au vu et au su de tous, et personne ne tenta de l'arrêter. Personne ne dit un seul mot. Il dériva simplement. C'était une réalité nouvelle. Peut-être sa mère s'était-elle fait cette même réflexion. Si facile de partir. Qu'est-ce qui retenait les gens dans leur orbite quotidienne ? Rien, comprenait-il à présent, pour la première fois. Il n'y avait rien qui empêche qui que ce soit de décider, un jour, de disparaître".