La mise à nu- Jean-Philippe Blondel
"Parfois, hurler est tout ce qu'on rêve de faire"
Louis Claret, professeur d'anglais divorcé, père de deux grandes filles, est proche de la retraite. Il fut un professeur "solaire", il est à présent désabusé et vieillissant. Une exposition de peinture à laquelle il se rend pour passer le temps et grignoter quelques petits fours le met en présence de l'artiste, un de ses anciens élèves. Adolescent passe-muraille, Alexandre Laudin est aujourd'hui un peintre de renom. Les deux hommes sympathisent et Alexandre demande à Louis de lui servir de modèle...
J'adore Jean-Philippe Blondel. J'aime sa langue, ses phrases courtes, son univers un brin mélancolique, juste ce qu'il faut, jamais larmoyant. J'aime sa façon d'observer le monde, les autres et lui-même, doucement ironique, à peine cynique. J'ai donc beaucoup apprécié ce livre, qui m'a tenue en haleine. Eh oui, j'espérais un "twist" à la fin, quelque chose de bien tordu... le personnage d'Alexandre, ambigu au possible, se prêtait bien à ce genre de choses. J'en ai été pour mes frais. Entendons-nous bien : le roman est excellent, il distille une nostalgie délicate et jamais amère, il est subtil et profond dans son analyse du temps qui passe, des choses et des gens qu'on a aimés, perdus. Le personnage de Louis m'a touchée: assez perdu et esseulé lorsqu'il retrouve Alexandre, cette rencontre lui ouvre des horizons, la possibilité de se livrer corps et âme, de "se mettre à nu" dans tous les sens du terme, suscitant les ragots et même la jalousie et l'intérêt de son ex-femme, Anne. Il y a aussi de très belles reflexions sur la paternité, les enfants :
"Tout ce temps où nous nous sommes mis entre parenthèses, parce qu'ils étaient plus importants que nous, parce qu'ils étaient plus importants que nous, parce qu'ils étaient la prochaine génération, l'avenir, l'espoir, et parce que nous devions les protéger, parce que c'était le rôle qui nous incombiait. Nous prétendons que les années ont filé à toute allure, que nous avons à peine le temps de nous retourner- en vérité, elles nous ont laissés exsangues, les traits tirés, des tâches violacées et rouges sur notre peau et dans nos mémoires. La maison est silencieuse, soudain. Nous tournons en rond. Devant le miroir de la salle de bains, nous nous faisons face. Nous nous reconnaissons à peine. Les bruits paraissent étouffés. Comment allons-nous occuper les semaines et les mois à venir?"
Que du bon...
Mais il y a la fin, si abrupte, et qui m'a laissé totalement frustrée... une fois de plus, je suis restée sur le carreau, la liseuse entre les mains, cherchant désespérément le pourquoi du comment que je n'ai toujours pas trouvé, malgré plusieurs relectures des dernières pages. C'est dommage, je n'en finis pas de pester contre ces auteurs qui me privent de plus en plus souvent d'une conclusion solide, UNE CONCLUSION, quoi ! Pas non plus du genre "ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants " mais une VRAIE fin, quelque chose qui me permet de fermer le livre en me disant "ah ah quelle bonne façon de conclure, comme c'est malin, je ne n'y attendais pas, oh il m'a bien eue, c'était donc ça, bon sang, mais oui..." Dommage, vraiment dommage car cette "Mise à nu" m'a tout de même particulièrement embarquée.