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Aux Bouquins Garnis
25 avril 2016

Bellevue- Claire Berest

"Je ne peux lire, je ne peux écrire, le Valium est mon début et ma fin, alors je verlainise"

 

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Alma est une jeune écrivain. Le jour de ses trente ans, elle pète un câble et se met à faire n'importe quoi : détruire l'ordinateur de son compagnon qu'elle ne supporte plus, faire l'amour frénétiquement avec des inconnus, dont le fameux Thomas B, auteur de renom avec qui elle a un rendez-vous professionnel, s'auto-mutiler... Lorsque le livre commence, elle est enfermée dans une unité psychiatrique et ne se souvient plus des évènements des 48 heures précédentes...

La prestation de Claire Berest à La Grande Librairie de jeudi dernier m'a interpellée. Voix claire, regard bleu déterminé, maîtrise de son (difficile) sujet : la plongée dans la folie d'une femme que rien ne prédisposait à ce naufrage. En apparence... je ne vais pas tenter d'analyse à deux balles mais j'ai été frustrée de l'absence d'explications concernant le comportement d'Alma, notamment à la fin du roman, qui m'a laissé perplexe. Oui, Alma a de graves problèmes de couple, oui les trente ans sont une étape sans doute difficile à encaisser (je ne vous parle pas des quarante)... ces motifs là ne me semblent pas justifier le délire auquel elle est en proie, mais après tout, je ne suis pas psychiatre (Claire Berest non plus) et "Bellevue" est un roman. On est donc libre d'imaginer.

Toute considération médicale mise à part, l'histoire d'Alma a quelque chose d'hypnotique qui fait qu'on lit sans pouvoir s'arrêter, quasiment jusqu'à la fin (seul le sommeil a interrompu ma lecture alors que j'étais presque au bout du livre). Dire que j'ai aimé ce que j'ai lu serait un peu fort, la crudité, les mots abrupts, le désespoir qui semble fleurer à toutes les pages, tout cela génère surtout un grand malaise. On suit le personnage à pas à pas, tout au long de cette crise infernale qui durera deux jours -l'utilisation du "je" favorise évidemment l'immersion- en alternance avec le séjour aux urgences psychiatriques, plus posé, plus doux, comme feutré. Verlaine sera le compagnon d'infortune d'Alma, qu'on a dépouillée de tout à l'arrivée, sauf des "Poèmes Saturniens" qui se trouvaient dans son sac.

Le changement de rythme selon les parties est bien mené et permet au lecteur de respirer un peu. L'écriture vive, nerveuse, soudain s'apaise lorsqu'Alma par exemple, explique ce qu'est une épanorthose (incongru dans le contexte, mais pas sans lien avec son état mental ...) ou évoque la frontière entre la normalité et la folie :

J'ai toujours imaginé que chacun possède une fenêtre dans la tête, une fenêtre avec vue, mais hermétiquement fermée. Sa seule présence est décisive, car son existence contient de l'autre côté la folie, qui reste alors une idée et un fantasme. Son scellement est le garde-fou indispensable à la normalité. La tenir bien close permet que s'accomplissent les tâches et les plaisirs, et qu'on s'accommode des petites trahisons que coud sur les êtres la fréquentation du quotidien. Il est rassurant qu'elle soit là, elle rappelle qu'elle peut-être ouverte, et même pulvérisée. Elle peut aussi rester fermer, inviter à la simple contemplation. La fenêtre offre alors une vue possible, une vue alternative. Qu'elle soit là, c'est avoir le choix."

A retenir aussi, l'épisode fameux du grand prix littéraire (j'ai douté à ce moment là ...) des réflexions intéressantes sur la famille, sur l'amitié mais aussi sur l'écriture et le métier d'écrivain.

Bizarre, dérangeant, cruel, addictif, "Bellevue" n'est pas à mettre entre toutes les mains.

 

 

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Commentaires
A
Je viens de le terminer et je partage ton avis.
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C
Entre addiction et répulsion.. pourtant je comprends que l'on puisse s' accrocher au livre car le thème, même s'il n'est pas agréable, peut être très fort.
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J
La quarantaine c'est du gâteau voyons, demande à Phili ;)
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A
Je ne suis pas extrêmement tentée par ce genre d'histoire, il me semble qu'on en voit beaucoup trop dans la littérature actuelle.
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Z
Je ne pense pas qu'il passera entre mes mains, ras-le-bol des trentenaires !!<br /> <br /> Comment vas-u ?
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