Un hiver à Paris- Jean-Philippe Blondel
"Mes parents sont adeptes du Grand Livre du mois"
Plus je lis Jean-Philippe Blondel et plus je l'apprécie. Depuis "Accès direct à la plage", beaucoup aimé, "Un minuscule inventaire", adoré, cet écrivain me touche et m'intéresse. Comme j'ai une P.A.L énorme et qu'un bouquin en appelle un autre, je ne lis pas tout systématiquement, mais quand ça me prend... "Un hiver à Paris" me tentait depuis sa sortie, je ne le découvre qu'aujourd'hui. Et j'en sors, pour reprendre l'expression de Clara, "touchée-coulée." Une pépite que ce roman là.
Après son bac, Victor a quitté sa province pour intégrer une classe préparatoire à Paris, dans un lycée bourgeois très coté. Il y découvre l'extrême solitude, l'esprit de compétition démentiel, les humiliations et brimades des enseignants envers les étudiants. Dans ce système d'un cynisme ahurissant, seuls les meilleurs et les plus costauds sortiront indemnes, quant aux autres... Les étudiants supportent tout cela sans piper. Rien ne semble faire bouger l'ordre établi, jusqu'au drame: Mathieu Lestaing, un étudiant avec lequel Victor était sur le point de sympathiser, se suicide en se jetant du haut d'un escalier du lycée. L'humiliation de trop? Passé l'émoi provoqué par " l'accident", tout revient très (trop) rapidement à la normale. Au lycée D., on est obsédé par le "pas de vagues". Victor, lui, est bouleversé. Une curieuse amitié va naître entre lui et Patrick, le père de Mathieu, qui cherche désespérément à comprendre le geste de son fils, tandis que Victor faussement considéré comme proche de la victime, commence à susciter la curiosité et l'intérêt...
Ecriture sobre, puissante et pourtant sans effets de manche, sujet sensible traité avec une grande justesse et beaucoup de maîtrise, description au scalpel des classes prépa, sans pathos mais sans concession, (on navigue entre la fiction et l'autobiographie, même si le projet romanesque est affiché clairement, ça sent bien le vécu...), "Un hiver à Paris" est aussi un magnifique roman d'atmosphère. Une sorte de grisaille hivernale imprègne chaque page : froideur des lieux, des gens, dans laquelle le narrateur est engluée dans un premier temps. Il s'en extirpe ou tente de le faire, avec Paul Rialto, un étudiant brillant et trouble, Armelle, une pseudo petite amie, et surtout avec Patrick Lestaing, mais leur complicité ne sera pas vue d'un très bon oeil. L'analyse des sentiments et des émotions complexes qui habitent les personnages est une des réussites de ce roman. De la finesse, de la pudeur. Tout est dit.
Un gros coup de coeur !
"D'emblée j'ai compris que je n'avais pas les codes. Culturels, linguistiques, vestimentaires. Ce qui était bien, ce qui ne l'était pas. Je me suis épuisé à tenter de me les approprier, pendant quelques semaines, mais ils étaient mouvants et semblaient toujours m'exclure. J'ai baissé les bras."
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