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Aux Bouquins Garnis
8 août 2013

Mémoires de deux jeunes mariées- Balzac


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Louise et Renée sont deux jeunes amies qui, à leur sortie du couvent, font leurs premiers pas dans la vie, chacune de leur côté et de façon très différente. Leur correspondance entretenue pendant une dizaine d'années révèle deux tempéraments, deux façons opposées de concevoir l'amour et d'aborder l'existence. D'une intelligence vive et d'un tempérament de feu, Louise connaîtra la passion, celle qui rend "esclave" et fait perdre la tête (jusqu'au-boutiste, la Louise...) tandis que Renée, mariée par raison, s'accomplira totalement dans la maternité et l'éducation de ses trois enfants. Leur attachement est réel, et comme de vraies amies, elles se racontent tout, et s'envoient parfois des vérités bien senties, sans que leur amitié en soit le moins du monde affectée :

"Comment bientôt mariée ! Mais prend-on les gens ainsi? (...) Ne vois-tu pas Renée ce qu'on veut faire de toi? (...) Tu sors d'un couvent pour entrer dans un autre ! Je te connais, tu es lâche, tu vas entrer en ménage avec une soumission d'agneau. (...) Oh ! Je ne te laisserai certes pas dans ta bastide."( De Louise à Renée)

"D'abord ma mignonne, tu ne l'aimes pas. Avant deux ans tu te fatigueras de cette adoration. (...) Un homme nul est quelque chose d'effroyable; mais il y a quelque chose de pire, c'est un homme annulé." ( De Renée à Louise)

Il y en a plein, des comme ça. J'ai passé un temps fou à souligner, à lire, à relire certains passages qui m'ont semblé jubilatoires. Cette finesse d'analyse, de sentiments, cette intelligence lumineuse, cette écriture sublime, cette capacité à se glisser dans une peau féminine... c'est proprement épatant. J'adore Balzac. Rien ne lui échappe, par exemple l'amitié entre les deux femmes qui se teinte parfois d'une verte jalousie. Comme cela sonne juste ! (Mais oui, on peut s'apprécier et se balancer de temps à autre quelques vacheries... redoutables, c'est encore valable aujourd'hui :))

"Je hais d'avance les enfants que tu auras; ils seront mal faits. Tout est prévu dans ta vie : tu n'as ni à espérer, ni à craindre, ni à souffrir." (De Louise à Renée)

J'ai beaucoup aimé Louise au début du roman, l'entière et passionnée Louise, puis je l'ai trouvé trop fofolle, trop capricieuse, et mon intérêt a fini par se porter vers la sage et tristounette Renée, qui de tristounette devient magnifique et vibrante lorsqu'elle évoque l'allaitement, la maternité, l'angoisse de perdre son enfant chéri. (La scène des convulsions est terrifiante !). C'est tellement beau, lisez plutôt:

"Le petit monstre a pris mon sein et a têté : voilà le fiat lux ! J'ai soudain été mère. (...)

Ce petit être ne connaît absolument que notre sein. Il n'y a pour lui que ce point brillant dans le monde, il l'aime de toutes ses forces, il ne pense qu'à cette fontaine de vie. Il y vient et s'en va pour dormir, il se réveille pour y retourner. Ses lèvres ont un amour inexprimable, et quand elles s'y collent, elles y font à la fois une douleur et un plaisir, un plaisir  qui va jusqu'à la douleur ou une douleur qui finit par un plaisir. (...) Enfanter ce n'est rien; mais nourrir c'est enfanter à tout heure.  (...) Cette adorable sensation  de son premier cri, qui fut pour moi le premier rayon du soleil a été pour la terre, je l'ai retrouvé en sentant mon lait lui emplir la bouche; je l'ai retrouvée en recevant son premier regard, je viens de la retrouver en savourant dans son premier sourire sa première pensée. Il a ri, ma chère." (De Renée à Louise)

De toute façon,  Louise et Renée sont aussi intéressantes et attachantes l'une que l'autre. C'est la grande force de ces "mémoires..." Au lecteur de choisir entre les deux, de se laisser convaincre... ou pas.

Je pourrais continuer à citer et à vous parler pendant des heures de ce grand roman. Lisez plutôt Balzac. L'été sur la plage, ça marche aussi ! :) Et lisez aussi le très beau billet de Cuné à ce sujet sur Libfly

 

Lu sur Kindle :)

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
E
Lu à l'école, je ne garde pas un très bon souvenir de Balzac( trop noir, pas d'action) mais ton billet et tes extraits m'incitent à découvrir ce roman et j'espère changer d'avis
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A
Des extraits qui donnent envie.
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V
Moi aussi je n'ai pas mis le nez dans un Balzac depuis le collège certainement. C'est vrai qu'on a tendance à oublier les classiques. Peut-être parce que certains profs n'ont pas su nous en donner le goût. C'est dommage.<br /> <br /> Le passage sur l'allaitement, c'est tellement ça... ;-)<br /> <br /> Bisous
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S
rhooo la la, je n'ai pas lu Balzac depuis une éternité...ouch, ça nous replonge dans plein de choses...je note celui-là que je n'ai jamais lu.<br /> <br /> Des bises
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A
Grande fan de Balzac depuis des années, je relis quelques passages de temps en temps, la prose en est parfois lourde et les images épaisses, mais je me souviens avoir lu celui-ci avec plaisir de bout en bout, les deux personnages sont aussi agaçante l'une que l'autre. Pour une autre facette, de la femme au XIX selon Balzac, je te conseille "La cousine Bette", triste à pleurer ...
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