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Il faisait froid hier soir, très froid. Eh bien, vous n'allez pas le croire, mais en sortant du théâtre des Mathurins, nous avions, mes copines et moi, bien chaud, et pas seulement grâce aux radiateurs de la salle :). Nous avions chaud au coeur surtout. Parce que nous avons vu un acteur formidable, Bruno Abraham-Kremer, (inconnu de moi jusqu'à hier soir, mais où ai-je la tête?) porter à lui tout seul un texte non moins formidable : "La promesse de l'Aube" de Romain Gary. Qu'il est beau, ce texte, qu'il est tendre, émouvant, drôle... Il en fallait du talent pour transposer ce merveilleux roman de 700 pages sur la scène, s'en saisir, incarner à la fois Romain et sa mère, l'extraordinaire Nina (et d'autres savoureux personnages, c'était époustouflant) qui rêvait son fils tant aimé ambassadeur de France. Bruno Abraham-Kremer est tour à tour le petit garçon amoureux d'une certaine Valentine,  le militaire couvert de médailles, l'écrivain à succès qui obtiendra le prix Goncourt ...  Il est surtout et toujours, à la perfection, Romain, ce fils qui aima sa mère d'un amour fou et dont l'existence n'eut qu'un seul but : devenir exactement ce qu'elle attendait de lui. Et elle voyait grand...

C'était un si beau moment de théâtre et de littérature que ça se passe de mots. En tout cas des miens. Je vous laisse avec  ceux de Romain Gary :

"Il n'est pas bon d'être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ca vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c'est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu."
 

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by Eimelle