"Mélancolie des corbeaux"- Sébastien Rutés
C'est l'histoire de Karka, un corbeau freux, tout décati, ancien messager du Conseil des Animaux de Paris, dont l'aile fut brisée autrefois par un épervier. Karka n'est pas un corbeau ordinaire. Il réfléchit au sens de la vie, à la mort, au cours de la Nature. " J'aime observer, dit-il. Depuis ma retraite, j'ai réalisé combien notre condition d'oiseau est de ne rien faire. L'angoisse du prochain repas rythme nos courtes vies. Est-elle différente de l'attente de la mort?" Ces questions existentielles ont rendu Karka mélancolique.
Un jour, le Conseil des Animaux fait de nouveau appel à lui pour une mission d'importance : des Lions rôdent dans les bois de Paris et risquent d'attaquer les Humains. Il faut à tout prix les en empêcher. Avec un toucan, une tourterelle et une corneille, Karka se lance alors dans l'aventure...
"Mélancolie des corbeaux" est un livre étrange, philosophique,"polar-thriller" animalier, je ne sais pas trop. Tout au long de ma lecture, sur laquelle je suis restée bloquée plus d'une semaine, j'ai été partagée entre la fascination et l'irritation. Je me suis ennuyée, j'ai aimé, je me suis ennuyée, j'ai trouvé ça long, j'ai décroché, j'ai racroché, j'ai râlé, je me suis ennuyée, j'ai aimé, bref, ma semaine en compagnie des corbeaux fut bien agitée. Une chose est sûre, ce roman inclassable est écrit de façon brillante, magistrale et c'est peut-être ça qui m'a fait tenir jusqu'au bout. Quelle écriture, mon dieu ! Absolument incroyable. Poétique, pleine de grâce, de majesté... Je regrette vraiment d'avoir entamé ce roman à une période particulièrement mal choisie (fatigue, conseils de classe...), ce qui a gâché le plaisir d'une lecture que j'aurais trouvée tout simplement magnifique à un autre moment. ça m'apprendra à vouloir lire des histoires de corbeaux quand j'ai pas la tête à ça...
Pour la peine, voici un extrait. Le final grandiose de Léon le lion :
"Le roi est mort, Karka: vive le roi !
Imitant sans le savoir l'attitude du lion de Belfort, droit sur ses pattes avant comme pour résister, il poussa un rugissement royal. Paris trembla, la vie s'arrêta. A travers la capitale des milliers de vivats aboyés, miaulés, cancanés, nasillés, feulés, jappés, chuintés, hululés, roucoulés, craillés, croassés, glapis, cacardés, flûtés, pépiés, piaillés, ramagés, jacassés et trompétés, saluèrent le dernier combat du Lion. Pour laisser aux Humains le loisir d'admirer sa majesté, Léon tourna au sommet du tertre comme sur le point d'attaquer. C'était un défi, la menace superbe de la bête acculée, le désir de l'hallali. Le plaisir aigre-doux de la mort reçue et donnée...
Enfin, lorsqu'assez d'humains, dans leur automobile ou sur le balcon, l'eurent admiré, Léon dévala le tertre, traversa la pelouse de la Muette et disparut dans le bois dans un dernier rugissement de joie."
Deux challenges pour ce roman : chez Sharon et Cynthia