Goat Mountain- David Vann
"Nous étions toujours occupés à tuer quelque chose, c'était comme si nous avions été mis ici-bas pour tuer"
Un jeune garçon de onze ans, son père, son grand-père et un ami de la famille s'en vont chasser le gibier sur les terres familiales de Goat Mountain. Pour la première fois, le gamin participera à la chasse "activement", il deviendra un homme après avoir tiré son premier cerf.
Mais les choses tournent au drame lorsque le gamin, à qui son père a confié la carabine, abat de sang froid un braconnier qui passait par là. Son absence de remords, sa jouissance d'avoir tué, suscitent l'horreur et pose mille questions : que faire du mort? Que faire du gosse? Le dénoncer? Porter le chapeau à sa place? Tout est envisagé, même de le faire disparaître, cet enfant aux noirs instincts. Les hommes s'affrontent, se haïssent, mais la chasse se poursuit, avec un cadavre sur les bras, au beau milieu d'une nature sauvage et écrasante...
Je me demande comment je suis parvenue au bout de ce livre terrible, une véritable épreuve de lecture dont on ne ressort pas indemne. J'aime que les livres me bousculent et j'avais tellement aimé mon premier David Vann (Sukkwand Island)... ça doit être pour cela que j'ai tenu bon, en souvenir de Sukkwand Island -qui n'était déjà pas franchement rigolo- malgré l'horreur présente à chaque page- on est chez les sauvages, carrément- l'atrocité de certaines scènes (l'agonie du cerf décrite avec force détails est à hurler, de même que le rituel qui consiste à dévorer son foie et son coeur...), les réflexions métaphysiques et religieuses plombantes, un peu brin lassantes -le mal est ancestral et le désir de tuer remonte au origines, nous assène le narrateur devenu adulte, donc impossible de lutter, on est là pour se faire la peau- et cette écriture si particulière, si rugueuse, toute en phrases osseuses, dépourvues de verbe, une écriture qui fait ressentir tout autant qu'elle montre... on reçoit cette violence en pleine face et ça indispose (ahem...) forcément.
Je ne suis pourtant pas maso. Il n'y a absolument rien de plaisant dans cette lecture mais l'auteur fait montre d'un talent exceptionnel pour décrire l'immonde, pour mettre en évidence la noirceur des êtres, certains passages sont très intenses (ce grand-père terrifiant, qu'on devine prêt à tout "tu as tué on doit te tuer...") et la fin du roman est à tomber par terre. J'aime les écrivains jusqu'au-boutistes, je les admire. David Vann, il ne fait pas dans sa culotte...
Cela dit, pas sûre que j'aurai envie de le relire, en tout cas pas dans l'immédiat (je vais attendre au moins cinq ou six ans, il aura vieilli et moi aussi).
Je suis sortie de ce livre complètement rincée.
"Je pense qu'un enfant ne peut rien faire d'autre que d'ingérer son parent, de l'engloutir tout entier et de l'arracher à ce monde, tout le reste n'est que déception"