Le chant de la Tamassee- Ron Rash
"C’était ce que croyaient les Celtes - que l’eau était un passage vers l’autre monde. Ils avaient peut-être raison"
Ruth a douze ans. Lors d'un pique-nique en famille au bord de la rivière Tamassee, elle s'aventure dans les eaux froides et meurt tragiquement, emportée par le courant. Effondrés, les parents de Ruth réclament la mise en place d'un barrage amovible pour récupérer le corps de leur fille. Les écologistes défenseurs de la rivière dite "sauvage", protégée par les lois fédérales, s'y opposent avec force. La population est partagée. Maggie, une jeune photographe, originaire du comté d'Occonee et Allen, journaliste, mal remis d'un drame personnel, sont envoyés sur le terrain pour couvrir les évènements...
Les nouvelles de Ron Rash m'avaient éblouie et j'ai été ravie de le retrouver dans ce beau roman, qui prend pour thème la sauvegarde d'une nature de plus en plus menacée par la cupidité des hommes. Dans les deux camps, les positions restent fermes et l'affrontement entre les pro et les anti-barrage pourrait bien déclencher un nouveau drame...
J'ai beaucoup aimé ce roman et ses personnages fouillés, l'attachante Maggie (qui est aussi la narratrice) l'obstiné Luke, le fragile Allen et surtout la tumultueuse et dangereuse Tamassee. La rivière est le symbole de la lutte pour l'environnement dont Ron Rash se fait le porte-parole avec passion, sans pour autant négliger la question de l'humain, au coeur du récit. Que vaut-elle, cette nature que l'on entend préserver à tout prix, face à la douleur d'une famille dévastée par la mort de son enfant? Le débat est posé avec finesse, évitant l'écueil du manichéisme, tout en maintenant une tension dramatique qui rend le roman- car il s'agit bien d'un roman et pas d'un manifeste écologique- passionnant à lire. Et puis cette écriture si sensible, si poétique... je l'adore, ce Ron Rash décidément.
Une bien belle lecture !
"Elle se souvient de son cours de sciences naturelles de sixième, du glougloutement de l’aquarium au fond de la classe le matin où le professeur a tenu un prisme hors de la fenêtre pour qu’il s’emplisse de couleur, elle a une dernière et belle pensée – qu’elle est maintenant à l’intérieur de ce prisme et sait quelque chose que le professeur lui-même ne savait pas, que les couleurs du prisme sont des voix, des voix qui tournoient autour de sa tête comme une couronne, et à cet instant ses bras et ses jambes, dont elle ne se doutait même pas qu’ils s’agitaient, s’arrêtent, et la voilà qui fait partie de la rivière".