Le Maître- Patrick Rambaud
Quand son esprit et son corps se confondirent, quand son avant-bras traça les signes sans qu'il eût à réfléchir, quand d'un coup de pinceau il put fixer des idées ou des choses sur une tablette, il comprit qu'il savait écrire.
Il y a vingt-cinq siècles, vécut Tchouang-tseu, précurseur du tao, auteur du «Zuhangzi». Patrick Rambaud tente une biographie imaginaire de ce curieux personnage, qui dans une Chine morcelée et déchirée par les guerres, décida après bien des tribulations de «mener sa vie comme une barque vide qui dérive au gré des courants».
Des cuisines du palais au pays de Ts'i où il fut contraint à l'exil, Tchouang nous invite à réfléchir sur le sens de la vie, le retour à la nature, à la nécessaire passivité face aux évènements, passivité qui elle seule permettrait l'action véritable.
La tentative de l'auteur de mettre en lumière cet écrivain et penseur hors normes est certes louable, mais je la trouve totalement ratée. Si la chronologie plus ou moins respectée permet de suivre Tchouang de sa naissance -seul moment un peu amusant du livre- à sa mort, la composition de ce conte philosophico-historique (n'est pas Voltaire qui veut, ça se confirme) m'a beaucoup gênée. Le parti-pris de l'auteur d'aligner les anecdotes les unes derrière les autres empêche le lecteur de s'attacher ou même de simplement s'intéresser au personnage de Tchouang et à sa philosophie et rend la lecture vraiment barbante. J'ai eu le sentiment de survoler, de picorer, et ne suis à aucun moment entrée dans le livre, fini avec peine.
La démonstration par l'exemple, c'est le choix que fait Patrick Rambaud pour faire découvrir Tchouang, pour un résultat totalement décousu et indigeste. Il y avait pourtant de la matière... De cette leçon je n'ai rien retenu, le nez à la fenêtre pendant toute la lecture, comme le cancre au fond de la classe. Il faut peut-être revoir la méthode.
"Comme à son habitude, Tchouang combattit l’enfer des croyances en racontant une fable. Un homme voulait être un saint. Il s’enferma dans une grotte pour s’éloigner des embarras du monde. Il méditait toute la journée, c’est-à-dire qu’il s’efforçait d’établir en lui un certain silence mais ne parvenait, en réalité, qu’à un état de complète hébétude. Il ne mangeait que des orties bouillies, pliait son corps à des pénitences et n’écoutait pas chanter son estomac. Quand il crut conforme son désir de sainteté, il consentit à mettre le nez dehors. Surgi de la jungle, un tigre le dévora en une bouchée. «Il aurait mieux fait de vivre », disait Tchouang."