Le mur invisible- Marlen Haushofer
Une femme, dans les montagnes autrichiennes, revient dans son journal sur sa vie depuis deux ans. Un matin, elle se retrouve entourée d'un mur invisible. De l'autre côté du mur, le monde s'est pétrifié. On ne saura pas de quelle nature est la catastrophe, d'ailleurs la narratrice ne se pose pas vraiment la question. Face à cette situation terrifiante, elle reste calme (incroyablement calme...) et tente de survivre. Ses seuls compagnons sont des animaux. Un chien, des chats, une vache et bientôt un veau. Elle ressent pour eux une vive affection. Pour eux, en particulier pour Lynx, le chien, elle continue, ne se laisse pas abattre, sauf à de rares moments.
Alors, oui, il ne se passe pour ainsi dire rien, et pourtant cette lecture m'a beaucoup émue, énormément troublée...
Elle plante des pommes de terre, des haricots, trait sa vache, se nourrit de son lait. Elle se promène avec son chien dans la nature, se soumet aux rythmes des saisons, rêvasse sur son banc devant le chalet ... Elle pourrait creuser un trou, passer sous le mur, tenter de s'échapper. Pourquoi ne le fait-elle pas? On se le demande un peu, au début, mais au fond, là n'est pas la question. Ce qui est passionnant, c'est la façon quasi stoïque dont la narratrice appréhende les choses, transcende ses peurs, dont elle organise sa nouvelle existence, cet étonnant retour à la nature, loin de la folie meurtrière des hommes, la puissance de cette nature, dont la survie de cette femme dépend entièrement.
"Je ne suis qu'une simple femme qui a perdu le monde qui était le sien, et qui est en chemin pour en trouver un autre. Ce chemin est douloureux et ne prendra pas fin avant longtemps."
Et puis, ce livre interpelle, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur son propre comportement dans de telles circonstances.
Qu'auriez-vous fait, vous, si un mur vous avait tout d'un coup isolé du reste du monde?
Je n'ai jamais perdu certaines habitudes. Je fais ma toilette tous les jours, me brosse les dents, lave mon linge et nettoie la maison.
Je ne sais pas pourquoi je le fais, j'obéis à une sorte d’exigence intérieure. Si j'agissais autrement, j'aurais sans doute peur de cesser peu à peu d'appartenir au genre humain... ce n'est pas que je redoute de devenir un animal, cela ne serait pas si terrible, ce qui est terrible c'est qu'un homme ne peut pas devenir un animal, il passe à côté de l'animalité pour sombrer dans l’abîme. Je ne veux pas que cela m'arrive.
Cuné en parle et rappelle qu'il existe un film tiré du livre.
Chez Manou