Un privé à Babylone- Richard Brautigan
C'est vraiment très beau à Babylone. Je suis allé faire une longue promenade le long de l'Euphrate. Il y avait une fille avec moi. Elle était très belle et portait une robe longue à travers laquelle je pouvais voir son corps. Elle avait un collier d'émeraudes.
Nous avons parlé du président Roosevelt. Elle était Démocrate, elle aussi. Le fait qu'elle ait de gros seins bien fermes et qu'elle soit Démocrate faisait d'elle la femme idéale, à mes yeux.
Je continue ma prospection d'auteurs et de bouquins à mon avis injustement oubliés. Ce "privé à Babylone" a une petite histoire. Il y a quelques années, j'ai croisé dans le métro une jeune fille qui se fendait littéralement la poire en le lisant. Les gens la regardaient bizarrement, mais elle ne voyait personne, elle riait, elle riait... je n'avais encore jamais vu quelqu'un aussi heureux de lire un livre. Spectacle réjouissant au possible. J'ai bien sûr noté le titre quelque part et puis le temps a passé et je l'ai oublié. Jusqu'à cet été, où j'ai retrouvé ce bouquin en format poche dans une belle librairie sur mon lieu de vacances. je l'ai acheté. Histoire de rigoler un peu.
Et là ... tantantantan...Allais-je rire moi aussi? Oh oui, et pas qu'un peu. Avec ce privé "privé de tout" comme dit la quatrième de couverture, on touche carrément au chef-d'oeuvre.
C.Card est un détective sans balles pour son flingue, sans fric, sans secrétaire sexy- sans secrétaire du tout- sans boulot, sans bureau, sans bagnole- il prend le bus- qui vit dans un appart pourri, et dont la maman ne répond jamais au téléphone. Il possède cependant un truc énorme et essentiel : une imagination débordante qui le fait décoller à tout moment pour Babylone où il est un super héros doté d'une secrétaire bombesque du nom de Nana-Dirat. Dans sa petite tête, il échaffaude des scenarii extravagants et combat des ennemis dont il triomphe toujours. Ce type est complètement dingue, la mission qui va lui être confiée (enfin un boulot !) est évidemment absurde -aller récupérer un cadavre à la morgue et le remettre à une belle nana très riche qui boit sans arrêt de la bière mais ne pisse jamais, comment fait-elle? Cette question existentielle turlupine notre héros- et c'est tout à fait poilant. A condition d'apprécier le second degré et de bien avoir en tête que rien n'est sérieux dans ce roman : les amateurs de polar pur et dur et de flics mélancoliques n'y trouveront pas leur compte, ceux qui aiment les parodies et les histoires de loser magnifique se régaleront. L'écriture est sans chichis, avec un brin de vulgarité de bon aloi. Normal, les privés, ça cause pas comme les profs, ils ont le langage de la rue. Notre C.Card est un tocard dur à cuire qui connaît la vie, il a fait la guerre d'Espagne et s'est pris une balle dans les fesses, je ne vous dis pas comment :)), les chapitres sont courts, ça se lit d'une traite, en apnée.
Ce livre, c'est tout simplement du bonheur en barre.
C.Card, je t'aime pour la vie.
Spéciale dédicace à la jeune fille du métro. On ne sait jamais, elle se reconnaîtra peut-être. Enorme merci à elle !
Elle était assise tout près de moi et son haleine ne sentait pas du tout la bière. Quand je pense qu’après avoir fini les six bières elle était tout de suite remontée en voiture sans aller aux toilettes : à se demander où la bière avait bien pu foutre le camp.
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Nana-Dirat et moi nous nous envolerons dans un avion que j'aurai inventé, fait de feuilles de palmier et propulsé avec un moteur fonctionnant au miel. Nous irons en Egypte par avion souper avec le Pharaon sur une grande barque dorée qui descendra le Nil.
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