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Aux Bouquins Garnis
23 novembre 2016

L'autre qu'on adorait- Catherine Cusset

 

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Qu’est-ce qu’un portrait ? Les ignorances comblées par la fiction fausseront-elles celui-ci ? Entendra-t-on ton rire ? Verra-t-on comme je la vois la courbe de ta vie, cette ligne qui prend un grand tournant quand tu pars à vingt-trois ans aux États-Unis et qui, telle une voiture de sport, fonce vers un mur contre lequel elle va se fracasser"

Je ne m'attendais pas à aimer ce livre. Je l'ai lu car une collègue m'a gentiment proposée de me le prêter...

Et là... surprise. LA surprise de la rentrée littéraire pour moi.

J'ai aimé "L'autre qu'on adorait", je dirais même que je l'ai beaucoup beaucoup aimé. J'y pense encore plusieurs jours après l'avoir terminé. Inexplicable. Le sujet est d'une tristesse à faire chavirer les bateaux, la narration à la deuxième personne du singulier distante au possible, (j'ai horreur du "tu" en littérature, je trouve son emploi dans un roman totalement artificiel, surtout sur près de trois cents pages) le récit tellement minutieux qu'il vire à l'impitoyable. Rien pour me plaire a priori. Sauf que si, en fait :)

"L'autre qu'on adorait", c'est Thomas Bulot, qui fut un temps l'amant et longtemps l'ami de Catherine Cusset la narratrice. Il avait tout pour être heureux, Thomas. Il était beau, admiré car extrêmement brillant, fou des femmes qui le lui rendaient bien, de Proust et de la vie. Il mit pourtant fin à ses jours en 2008, à l'âge de 39 ans, miné par des échecs continus et incompréhensibles. Thomas souffrait de troubles bipolaires, détectés tardivement, qui le faisaient passer d'un état euphorique à d'infernales périodes d'abattement. Ces plongées vers le bas laissent Thomas exsangue.

Catherine entreprend donc de raconter son ami, universitaire en Amérique, bourlinguant sans cesse entre la France et les States, et j'ai trouvé très réussie sa description de l'enseignement supérieur américain, caustique aussi. Ce qu'elle en dépeint est sans concession. Jamais Thomas, en dépit de son extrême intelligence, de sa culture impressionnante, de son charisme évident, n'y trouvera sa place. Trop brillant sans doute, trop franc du collier, pas assez dans les clous et dans le politiquement correct.

Thomas, la narratrice le décrit sans la moindre complaisance, à la loupe : ses hauts, ses bas, ses histoires avec les femmes qui finissent toujours en catastrophe (par sa faute?) on pourrait presque qualifier ce livre de "contre-hommage" (cherchez pas je viens de l'inventer) tant la tendresse et la compassion semblent absentes du portrait. C'est rythmé, la plume est belle et vive, hyper précise, mais la tendresse que l'on pourrait attendre dans l'évocation d'un ami... non, sauf à de très rares et fugaces moments. C'est pas le genre de Catherine.

Paradoxalement et sans qu'on puisse expliquer pourquoi (pour ma part j'ai du mal mais c'est avéré) il y a quelque chose d'extrêmement touchant dans ce récit de vie. Catherine, présente surtout au début, s'efface peu à peu (j'ai faussement cru pendant un moment que le personnage principal, c'était elle) pour laisser toute la place à Thomas et celui-ci devient alors un très beau personnage de roman, que l'on se prend à aimer, pour lequel on aurait espéré un tout autre destin. II suscite une réelle empathie et c'est très inattendu.

Un roman original et beau, à côté duquel il ne faut pas passer.

"Mais qui es-tu, toi, ballotté par des humeurs sans lien avec les événements de ta vie, comme un navire sans gouvernail voguant au gré des flots ? Que reste-t-il de toi derrière la maladie si même le goût des jeux de mots et des allitérations, lis-tu dans le livre d'un psychanalyste, pourrait être une des marques du cerveau bipolaire dans la phase d'hyperactivité ?"

 Un grand merci à Nathalie :)

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Commentaires
A
Une auteure que je n'ai jamais lu. Mais ton avis enthousiaste me donne envie de lire ce roman.
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K
Les avis semblent assez partagés sur ce "roman"... J'ai un a priori aussi, j'ai lu Un brillant avenir qui ne m'a pas marqué plus que ça...
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P
Moi j'ai besoin de m'attacher... et j'aime pas trop qu'on se moque du lecteur. Mais le sujet a l'air vraiment bien, et l'écriture très jolie.
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J
J'adore la façon dont tu racontes ton cheminement dans ce livre, de tes à priori à la divine surprise. Mais je persiste à croire que ce n'est pas pour moi ;)
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J
J'ai aimé les Cusset que j'ai lus. En hommage à ses Confessions d'une radine, je prendrai celui-ci quand il sort en poche ! Pour l'instant moi aussi j'ai Un Brillant Avenir qui m'attend à côté du lit...
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