"Les privilèges"-Jonathan Dee
"Ce n'était pas la richesse en soi. C'était une vie en grand, une vie plus vaste que nature. L'argent n'était qu'un simple instrument."
Cynthia et Adam Morey sont jeunes et très amoureux. Ils se marient, ont deux enfants assez vite et deviennent très très riches. C'est l'évolution de cette famille américaine sur plusieurs années que Jonathan Dee nous invite à lire, évolution sans anicroches ou presque. Si les Morey sont riches, ils ne sont pour autant des "m'as-tu-vu". L'argent, ici, n'a qu'un but : se protéger, protéger les siens, enlever tous les petits ou gros cailloux qui pourraient se trouver sur le chemin et s'il faut détourner la loi de temps en temps pour y parvenir, ce n'est pas bien grave... Quant aux émotions, quelles qu'elles soient, il faut s'en protéger, à tout prix.
J'ai lu ce bouquin avec intérêt. J'ai attendu la petite morale, la leçon que Jonathan Dee allait infliger à ses personnages, j'ai attendu patiemment la décadence qui suit forcément la grandeur, la grosse claque, quoi. J'en ai été pour mes frais. En fait de claques, les Morey reçoivent au mieux quelques giflettes dont ils se relèvent assez vite. J'ai beaucoup cru en Jonas, le fils, bon, honnête, artiste, celui que dégoûte le fric, celui qui allait mettre un peu d'humanité dans tout ça. Là aussi j'en ai été pour mes frais.
J'ai aimé ce livre, original et bien fichu, mais il m'a manqué le petit supplément d'âme, le truc qui nous fait nous attacher aux personnages, souffrir avec eux. Curieux roman, "Les privilèges" ne délivre aucune leçon et s'attache simplement à montrer, avec une belle ironie, que les riches s'en sortent toujours. La fin, d'un cynisme absolu, est extraordinaire.
"[...] on ne pouvait pas se contenter de ne rien faire. Il ne suffisait pas de croire en son avenir, il fallait s'emparer de son avenir, le hisser hors du fleuve du temps, et, ce faisant, on rompait avec les légions de béni-oui-oui tristes et pathétiques qui croyaient que le monde était leur patrimoine."
Cathulu a lu et a aimé