"Oh! Les beaux jours" au théâtre de l'Atelier
Je ne vais pas vous raconter Beckett ni me lancer dans l'analyse de "Oh ! Les beaux jours", d'autres l'ont fait avec suffisamment de talent pour que je m'abstienne. Je ne vais en revanche pas me priver de vous parler de Catherine Frot qui est une actrice merveilleuse.Tout le monde le sait, mais ça me fait plaisir de le dire. Je l'ai vue dans le rôle de Winnie vendredi dernier au théâtre de l'Atelier et je n'en suis toujours pas remise. Grandiose, tout simplement.
Winnie, c'est cette femme engluée dans le sable - à noter la beauté et l'originalité du décor minéral- dont le mari -on suppose que c'est son mari, après tout on n'en sait rien- Willie est avachi derrière une dune. Elle lui parle, il lui répond ou pas par des borborygmes, mais la majorité du temps, Winnie soliloque, attend que le temps passe, que le sommeil arrive, chante, (si joliment) s'accroche à son sac, son peigne, son pistolet, son ombrelle, s'émerveille d'une fourmi, ressasse des souvenirs, interpelle Willie, tout cela scandé par une sonnerie stridente et une phrase ridiculement optimiste :"oh les beaux jours !"
Oh que c'est tragique, cette vacuité... ça fait froid dans le dos. Et pourtant Catherine la merveilleuse, avec sa joliesse, ses mimiques, son humour pince-sans-rire irrésistible, transcende le tragique, illumine la scène de sa présence. Et quelle présence magistrale pour incarner l'insignifiance, le non-sens ! Je ne vous parle même pas de la maîtrise absolue d'un texte incroyablement rugueux et difficile, fait de coq- à-l'âne, de phrases interrompues, de bribes de pensée, de tout et de rien... Certes, il faut s'accrocher, être un peu préparé à cette pièce sinon c'est le naufrage... Winnnie-Catherine Frot, elle ne sombre jamais. Au deuxième acte, seule sa tête émerge encore et elle ne peut que remuer les yeux. C'est pourtant de la joie qu'elle exprime lorsque Willie rampe vers elle (ou vers l'ombrelle?), le bras tendu. Cette joie ultime avant la sonnerie finale porte l'émotion du spectateur à son comble. Pour une fois, je peux vous dire que les applaudissements étaient nourris.
On l'a déjà fait cent fois, je sais bien... je serai donc la cent-unième à m'écrier "Oh la belle soirée"... (et aussi Oh la belle actrice, oh le beau moment de théâtre, oh oh oh...)
Une contribution au challenge d'Eimelle