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Aux Bouquins Garnis
23 août 2012

" Les soeurs Deblois- Charlotte, tome 1"- Louise Tremblay d'Essiambre

 

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J'avais une grosse envie de saga. Une belle et longue histoire de famille, avec des personnages attachants impossibles à quitter, soumis à des turpitudes, des amours tourmentées, des obstacles à toutes les pages, des guerres, des meurtres, des mariages, des accidents, des suicides etc. Je voulais en plus que cette saga soit bien écrite, pleine d'émotions mais pas à l'eau de rose non plus (enfin pas trop). Je voulais du Henri Troyat, quoi.

J'aurais mieux fait, je crois, de relire mon bel Henri.

Parce que là, clairement, je suis déçue. Le premier tome des "soeurs Deblois" achevé, je sais que je ne lirai pas le deuxième.

 Bon, pour être juste, cette lecture ne fut pas tout à fait un calvaire non plus. La preuve, j'ai lu 600 pages en deux jours. Il faut dire que j'avais le temps...

L'histoire de la famille Deblois se passe au au Québec, dans les années 30. Premier regret : de Québec il n'est pas question (ou si peu) dans le roman. Les évènements pourraient se dérouler n'importe où ou presque... C'est quand même dommage. Pas l'ombre d'une ambiance canadienne ou québécoise (Un peu dans l'écriture, peut-être, avec quelques formulations typiques, mais on y reviendra, sur l'écriture justement).

Nous avons donc deux soeurs (trois à la fin du roman), très différentes l'une de l'autre : Charlotte et Emilie (oui, comme les soeurs Brontë, c'est fait exprès). Charlotte est vive, forte, brillante, en bonne santé, comme son père Raymond. Emilie est délicate, frêle, comme sa mère Blanche, dont elle est forcément très proche. 

Blanche est le personnage central du roman, au même titre que Charlotte, qui prendra de plus en plus d'importance au fil des pages. Hypocondriaque, élevée par un père despote dans l'idée qu'elle était une petite chose fragile et délicate, Blanche fait vivre l'enfer à sa famille avec ses migraines imaginaires et son pouvoir sur Emilie, toujours malade, qu'elle bourre d'huile de ricin et d'extrait de fraise. Le mari, Raymond, tente de protéger ses enfants de cette femme malsaine mais comme il n'est pas très courageux, ses revendications ne vont jamais bien loin. Raymond se console de cette existence pas marrante (très peu de sexe, Blanche n'aime pas ça, sauf lorsqu'elle boit... pas que de la fraise) dans les bras d'Antoinette. Ronde, pleine de vie, elle est tout le contraire de Blanche. Raymond, qui a le sens du devoir, l'abandonne pourtant, lorsque Blanche lui annonce une nouvelle grossesse, dont elle ne veut pas... 

Parlons un peu de Charlotte. Elle a de grands yeux bleus est très mature pour son âge, raisonne comme une adulte (elle a seulement quatre ans quand commence l'histoire). Lucide sur sa mère, dont elle perçoit la folie et l'alcoolisme, elle prend en charge la troisième petite soeur, Anne, (encore une soeur Brontë !) comme si elle était sa propre fille... Mais la révolte gronde. Charlotte grandit, découvre l'amour...

La romancière a clairement souhaité écrire une "saga psychologique". Les états d'âme des personnages, en particulier de Blanche, sont au premier plan de l'histoire. Pourquoi pas? Cela marche pas mal au début et on suit avec un certain intérêt les déboires de cette drôle de famille, soumis aux désordres mentaux de cette folle de Blanche, qui met en danger ses propres enfants par ses délires. Le père est gentil mais mou, on aimerait qu'il prenne les choses en main de façon plus vigoureuse, surtout quand son ami médecin lui fait comprendre que sa femme est folle. Il ne veut rien entendre. Et cela engendre certaines longueurs... Raymond se pose très (trop) souvent la question : Blanche est-elle vraiment malade? Blanche est-elle folle? A t-elle raison de s'inquiéter pour Emilie? Emilie est-elle vraiment malade? Et si Blanche était folle etc...

Et puis, il y a l'écriture. Facile, trop facile, bourrée de clichés (ahhhhhh " la cascade de boucles châtains", "les immenses yeux bleus"...), répétitive jusqu'à l'usure(les prénoms des personnages sont répétés toutes les deux phrases... et combien de fois trouve t-on le mot "présentement"? j'aurais dû compter, tiens), elle m'a rapidement agacée. De l'agacement je suis passée à la crispation totale lorsque Charlotte, devenue grande et rebelle, se donne corps et âme à celui qu'elle aime (et à d'autres, tant qu'à faire) et qu'on verse dans l'Harlequinade totale (pressentie lorsqu'Antoinette se pâme dans les bras de Raymond ce superbe amant tendu de désir etc) Franchement, c'est lourd. La psychologie, ma bonne dame, a bel et bien disparu... au profit du cul de quelque chose de plus vendeur.

Un autre défaut : pourquoi la guerre?Le filon est mal exploité car la fameuse guerre tombe comme un cheveu sur la soupe à la fin du roman. L'auteur s'en sert pour trouver un prétexte au départ de Charlotte mais c'est tellement anecdotique ! Evoqué dans les toutes  dernières pages, il est cousu de fil blanc, le truc de la guerre. Pas besoin de guerre pour quitter cette maison de fous, ai-je envie de dire. Mais bon, je ne vais pas réécrire l'histoire...

Bref, tout cela est décevant, manque d'ampleur, d'envergure, de style. La suite se fera sans moi.

N'est pas Henri Troyat qui veut :))

Je m'en vais relire "Les semailles et les moissons" pour la peine.

 

Un petit extrait (de fraise :)):

"Et c'était là l'unique raison qui l'avait poussée à écarter le pique-nique. Prévoyant l'inévitable constipation suivant l'indigestion, Blanche n'aurait d'autre alternative que de donner quelques gouttes d'huile de ricin à Emilie pour éviter les lourdeurs abdominales. A la suite de quoi, il y aurait une période d'accalmie, précédant une petite crise de crampes qui annoncerait la conclusion de ce désagréable moment. (...) Blanche ne pouvait envisager de faire passer à Emilie une partie de l'après-midi dans des crampes douloureuses à cause de ballonnements. Blanche en savait un bout sur le sujet : depuis des années elle fonctionnait, elle aussi à l'huile de ricin  et à l'extrait de fraise. Ces deux bouteilles prenaient place sur la table de ses parents, à côté du sucrier et de la salière.

Les Gagnon avançaient dans la vie à coups de petite gouttes..."(p. 171)

 

Une nouvelle contribution au challenge "Histoire de famille" chez Sharon :

Lecture

 

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Commentaires
S
Mince alors, je l'avais repéré à la librairie il y a peu...
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A
N'est pas Troyat qui veut, tu as raison. Au moins, tu as laissé une chance à l'auteur.
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P
Déjà cela commence mal (tu as employé un vilain mot - saga - pour moi, je fuis les séries !) et en plus tu ajoutes, pas digéré. Que dire, que faire ? RIEN !
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S
Je ne dis rien car je n'ai pas lu ce livre et n'en ai aucune envie, eu égard à ce que tu dis. Par contre, relire Henri Troyat me semble une bonne idée.<br /> <br /> Merci pour ta participation active au challenge !
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V
Bon, donc il me reste à te souhaiter de tomber sur une belle saga rapidement alors...<br /> <br /> Bisous ;-)
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