Une partie de badminton- Olivier Adam
"Les lecteurs de roman n'ont pas tous disparu. Ils ne te lisent plus toi, mais ils lisent d'autres auteurs, non?"
Paul Lerner a quitté Paris pour revenir s'installer en Bretagne, avec sa femme Sarah, et ses deux enfants, Clément et Manon. Ce retour est plutôt mal vécu par cette dernière, qui laisse derrière elle ses amis et son amoureux et elle le fait savoir...
Mais la famille Lerner n'a guère le choix. Paul, qui fut dans le temps un écrivain jouissant d'un certain succès, ne vend plus beaucoup de romans et il faut bien faire bouillir la marmite. Il est embauché comme journaliste local tandis que Sarah, enseignante, donne aussi des cours de français aux réfugiés et s'investit pleinement dans cette mission (et dans autre chose, on ne dira pas quoi)
La famille Lerner ne va pas bien du tout : Sarah devient de plus en plus distante, Manon est furieuse et prête à faire des conneries, Clément, trop jeune, ne comprend pas vraiment que tout part sournoisement en vrille, quant à Paul... il boit beaucoup, il a mal partout, et une femme étrange semble sur ses traces. Sa vie ressemble à tout sauf à une partie de badminton (vu son délabrement physique, il aurait de toute façon du mal à en faire, du badminton...)
Incroyable. Ce livre aux allures de total "feel bad" à contre-courant des romans doudous, réconfortants, optimistes dont on raffole en cette période morose, m'a fait un bien fou.
Je ne comprends pas bien pourquoi je l'ai autant aimé, alors je ne vais pas chercher à vous l'expliquer. Paul, l'alter ego d'Olivier Adam, est tout sauf un gai luron, il a de sérieux problèmes conjugaux, il n'écrit plus, à part des pauvres news que lui fournit Pedretti, un ami policier. C'est la lose. La sinistrose. En ces temps difficiles, ce n'est pas forcément ce qu'on a envie de lire, le récit des emmerdements puissance 10 d'un gars dépressif qui souffre du dos...
J'ai été totalement attrapée. Ce livre avec son Paul tout cabossé a déclenché en moi de grosses bouffées de tendresse. J'ai adoré le mordant, le tendre, le triste, le doux de chacune de ces pages. J'ai aimé la Bretagne, les embruns, les grosses vagues, le ciel chargé... J'ai aimé deviner Olivier derrière Paul, j'ai aimé sa lose, j'ai aimé le tournant dramatique que prend l'histoire (inattendu et diablement efficace), j'ai aimé l'écriture et ses fulgurances (du Olivier Adam pur jus : des idées, des formules canon qui vrillent le coeur, au milieu de quelques grossièretés bien senties). Je pardonne les poncifs, les clichés et tout ce qu'on veut. J'ai aimé Paul, sa femme et ses enfants, j'ai eu envie de les serrer dans mes bras, presque tout le temps. Ils sont tellement vrais, tellement humains. Ils ont tellement mal et puis parfois, ça va mieux. La vie, quoi :
"Pour ce soir, comme pour les années qui suivraient, on verrait bien, songea-t-il. Oui, on verrait bien"
Un vrai coup de coeur que ce livre. C'est rigolo. Il m'attendait depuis septembre. Je le lis enfin. Et voilà.
"L'adolescence était un cimetière. Les dépouilles d'enfants joyeux y reposaient comme la peau d'une mue".
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"L'enfance avait la peau dure. Enchantée ou douloureuse, on ne s'en remettait jamais vraiment"
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Des phrases comme celles-ci me renversent...
Merci merci à mon amie Laure, qui m'a offert ce beau roman à sa sortie :)