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"Pourquoi faut-il qu’il y ait toujours des pistolets dans les histoires, ai-je songé. C’est convenu, fastidieux, sans surprise mais bon, je suppose que c’est une figure imposée"                    

Les sirènes de la rentrée littéraire de janvier m'ont hurlé dans les oreilles que le dernier Echenoz était dans la boîte... J'ai cédé, faible femme que je suis, alors que je m'étais jurée de finir septembre avant d'attaquer janvier. Sérieusement, elles me posent un problème, ces rentrées littéraires qui déboulent sans qu'on ait le temps de dire ouf. Toutes mes résolutions vont au panier : alors que j'ai prévu de lire le dernier Message, le fameux Luc Lang, que le dernier Adam attend son heure sur ma table de chevet, voilà qu'arrivent Echenoz, Lemaitre, Bouraoui, Castillon...

Ok, j'ai des problèmes de riches. Il n'empêche qu'au delà du caractère capricieux de celle qui n'a pas la patience d'attendre et veut tout lire tout de suite sinon je meurs, je trouve dommage que les rentrées qui se succèdent à la vitesse de la lumière fassent passer à la trappe certains bouquins moins en vue et qui sont peut-être des pépites qu'on ne lira jamais. Je n'ai pas de solutions, de toute façon, je parle je parle et je continue à consommer du livre sans arrêt et puis j'ai acheté Echenoz et voilà. Quasiment le jour de sa sortie.

Gerard Fulmard est un bonhomme assez terne, qui tourne en rond dans la vie et dans son appartement de la rue Erlanger, Paris XVIe. Il a été steward et ne l'est plus. Depuis, il se cherche un but, une raison, un motif... jusqu'au jour où un météorite s'abat sur le supermarché où il a coutume de faire ses courses. Gerard Fulmard va par la suite devenir détective, potentiellement tueur à gages... embarqué dans une histoire politicienne un peu farfelue quoique dangereuse, il résiste mollement aux événements qui lui tombent dessus...

C'est drôle, merveilleusement écrit (j'adore découvrir des mots nouveaux grâce à Echenoz dont le vocabulaire semble illimité) décalé, empli de descriptions et de digressions insolites (on apprend un tas de choses sur la rue Erlanger, notamment qu'un japonais cannibale y a vécu et mangé), les personnages ont des noms improbables -Mozzigonacci, Brandon Labroche(!) ou encore Delahouère- c'est du Echenoz dans le texte. Fulmard est un bon loser comme on les aime, les politiciens rusés et faiblards sont censés nous rappeler des têtes connues, les situations sont à la fois sérieuses et folles. La fin du livre est tout simplement excellente, Echenoz nous rappelant avec style à quel point une machine IRM est bruyante :

"déferlement chaotique d'énormes sons, relevant de la sirène d'alarme, du klaxon de poids lourd et du marteau-piqueur entremêlés, alternance de soli transfixants de scie sauteuse, monstrueux chaos de broyeuses et de presses à emboutir, trios vociférants pour tronçonneuses, grandes orgues et marteaux perforateurs sur contrepoint d'ondes Martenot préhistoriques, le tout ponctué d'incessantes percussions contradictoires, sans ordre ni connexion, comme si quatorze batteurs psychopathes et sourds s'affrontaient avec haine"  

J'ai ri. Ce livre m'a fait bien plaisir. Je reconnais toutefois que c'est Echenoz, qui fait du Echenoz. Gérard Fulmard n'est pas un texte qui fera dire "ouah Echenoz a totalement changé, que lui est-il donc arrivé? C'est quoi ce gros bouleversement dans sa prose? Quel est donc ce nouveau message qu'il tente de nous faire passer" etc Pas du tout. Cela agacera ceux qui attendent la révolution. Je fais partie de ceux qui n'ont pas tellement accroché à l'autre veine échenozienne, celle plus sombre de 14. Je préfère nettement les intrigues invraisemblables et les antihéros à la Fulmard. C'est plus attendu, mais qu'est-ce-que c'est bien.