shopping"Remarque, ça fait presque deux ans qu'on ferme les yeux, c'est pas pour les ouvrir aujourd'hui"

 

Adam est flic. Son pays, la Syrie, est à feu et à sang. Il faut fuir à tout prix et mettre à l'abri Nora, sa femme, et leur petite fille Maya. Il organise leur départ pour l'Europe, promettant de les rejoindre aussitôt qu'il le pourra. Lorsqu'Adam débarque enfin en France, il ne trouve pas sa famille et plonge dans un « entre deux mondes » terrifiant :  la jungle de Calais. Sa route va croiser celle de Bastien, lieutenant de police fraîchement muté, dont le couple traverse une crise profonde, mais aussi celle d'un jeune garçon au parcours chaotique, muet. Adam va prendre l'enfant sous sa protection et ils vont s'attacher l'un à l'autre...                     

 La lecture de ce roman a été difficile, je dirais même qu'elle fut une épreuve. Je tourne autour quasiment depuis sa sortie, et j'ai fini par me lancer, cédant aux sirènes des copines blogueuses qui ont toutes été bouleversées par cette lecture. Les sirènes ont chanté juste, il faut le dire. « Entre deux mondes » est, comme il a été dit un peu partout, absolument bouleversant, rude, très documenté, sacrément bien écrit, sensible et efficace.

Cette épouvantable réalité qu'Olivier Norek, policier de terrain, dépeint, c'est celle d’ hommes et de femmes en transit, fuyant la guerre, la famine, perclus de souffrance, qui débarquent en France, attendant de pouvoir gagner la terre promise qu'ils pensent être l'Angleterre. Et là... on reste sans voix devant l'innommable. Devant le parcours de ces gens. Devant ce qu'ils traversent et ont traversé, ce qu’ils reçoivent à leur arrivée dans notre beau pays, celui des droits de l’Homme. Chagrin et honte. Le constat est cinglant. Le roman de Norek montre sans fard un monde en train de craquer : les migrants qui survivent dans des conditions indignes sont poussés à la sauvagerie (certains passages m'ont mis le coeur au bord des lèvres) les policiers sont dépassés, effarés par leur mission qui a perdu toute humanité et préfèrent fermer les yeux :

 

« J'ai l'impression que le camp de réfugiés est au centre de beaucoup de tensions. Cette Jungle, vous y allez souvent ?
- Aux abords, tous les jours. À l'entrée, quand il le faut. Mais, dedans, rarement. C'est à la fois une zone de non-droit et un bidonville.
- Et votre job consiste en quoi ?
(…)
- J'aurais presque honte de le décrire. Faut le vivre. Mais personne ne veut le vivre. Nous, on y arrive à peine.

La tension est extrême et pour ma part, impossible de lire le livre d'une traite. Heureusement qu'un véritable souffle romanesque parcourt les pages, il est franchement bienvenu. Je n’avais jamais lu Olivier  Norek et j’ai été agréablement surprise de découvrir un écrivain vraiment talentueux : style percutant, sens du dialogue et de la formule... « Entre deux mondes » est un formidable page-turner (un page-turner qui nécessite de faire des pauses pour reprendre son souffle, c'est original...) aux personnages attachants et très crédibles. L’intrigue est bien menée et les quelques coïncidences un peu grosses à mon sens sont tout à fait pardonnables, étant donné la qualité de l'ensemble... 

 J'ai refermé « Entre deux mondes » le cœur serré et la boule au ventre. C'est le signe d'une lecture qui fera date et figure désormais dans mon panthéon personnel.

Merci Monsieur Norek.

 

"Tu dois faire attention aux Afghans. Ils ne sont pas pire que les autres, mais comme ce sont les plus nombreux, ils essaient de faire la loi. C’est naturel. C’est la survie. Nous devenons tous des monstres quand l’Histoire nous le propose."

 

Mon amie Laure l'a lu aussi. Son billet est ici.