Vent d'Est, vent d'Ouest- Pearl Buck
"Apprenez des étrangers ce qu’ils ont de bon, et laissez de côté ce qui ne convient pas."
En Chine, au début du XXe siècle, les femmes ne sont pas à la fête. Kwei-Lan est une petite jeune fille élevée dans la plus pure tradition et la soumission totale à ses "Vénérés" parents. Elle n'est pas pourtant pas malheureuse, Kwei-Lan : ses pieds bandés, le mariage qu'on lui impose, l'obligation d'engendrer un fils, les diférentes épouses de son père qui cohabitent avec plus ou moins de bonheur, tout cela est normal et ne saurait être remis en question. Lorsque Kwei-Lan se marie, les recettes que sa mère lui a enseignée ne semblent pourtant pas fonctionner. L'homme qu'on lui a choisi a connu l'Occident, a étudié la médecine, a en horreur les pieds bandés et les superstitions dont Kwei-Lan est nourrie depuis l'enfance. La jeune fille va devoir s'ouvrir au monde et à la modernité pour conquérir le coeur de son époux. Mais un autre drame couve : le frère de Kwei-Lan, qui revient d'Amérique, entend bien faire accepter "l'Etrangère" dont il est amoureux et qu'il ramène dans ses bagages...
C'est Kwei-Lan qui raconte, dans une langue délicate et poétique, les conflits qui déchirent son clan et les choix douloureux auxquels elle est confrontée : prendre le parti de son frère, s'opposer à son inflexible mère, ou inciter son frère à rentrer dans le rang et à renoncer à l'amour...
Je découvre la grande Pearl Buck grâce à ma copine Laure qui a proposé cette lecture commune et le coup de foudre est total : j'ai tout aimé dans ce livre délicieusement suranné où le choc des cultures prend tout son sens, choc des cultures qui sera aussi celui de l'intérieur. La petite Kwei-Lan, pétrie jusqu'à la moëlle de traditions encestrales, convaincue que tout ce qui est étranger est une horreur, vit comme un déchirement l'accès possible à la liberté, pour elle comme pour son frère. Elle n'a pas soif de cette liberté dont elle a toujours été privée, elle la redoute et ne l'envisage même pas. Il faudra qu'un vent d'Ouest dévasteur - un vent qui ressemble à l'amour- balaye tout sur son passage pour que la muraille vacille et ébranle les convictions les plus intimes de notre héroïne.
Un grand bonheur que ce livre et cette Kwei-Lan, qu'on dirait tout droit sortie d'un conte chinois des temps anciens. Pearl Buck parvient à nous la rendre très attachante et son désarroi lorsque son mari lui demande de débander ses pieds pourrait tout aussi bien nous faire sourire que pleurer...
On ne lit plus beaucoup Pearl Buck, j'ai l'impression. C'est bien dommage que tant de fraîcheur et de grâce tombent dans l'oubli. Pour ma part, je me réjouis d'avoir plein d'autres romans à découvrir et j'attends que Laure, ma copine, me propose une autre lecture commune. Pavillons de femmes, ça te dit? ;)
"Ce sont des jours cruels pour les vieux ; aucun compromis n'est possible entre eux et les jeunes ; ils sont aussi divisés que si un couperet neuf avait tranché la branche d'un arbre.
- C'est très mal, murmurai-je. - Non, ce n'est pas mal, répondit-elle, mais seulement inévitable. La chose la plus triste du monde." Le billet de Laure est ici |