Un roman anglais- Stéphanie Hochet
"Ce qui se passe dans la tête de sa femme lui est totalement étranger. Il n'a jamais bien compris le fonctionnement des femmes. Une femme, qu'est-ce que c'est au juste ? Un homme inversé ? Inversé de quelle façon ?"
Non ce blog n'est pas désormais consacré au chorizo et à l'andouillette ... Il reste littéraire, même si les chroniques se sont faites plus rares ces derniers temps. Je lis, je lis et je n'écris pas, faute de temps, mes impressions. Retour aux livres aujourd'hui avec un beau roman de Stéphanie Hochet.
"Un roman anglais" raconte l'histoire d'Anna, une jeune femme mariée à Edward, féru d'horlogerie et fier de son savoir. Ils ont un petit garçon, Jack. Anna est traductrice et pour mieux se consacrer à ses travaux littéraires, elle engage une nounou, George... qui s'avère être un jeune homme, sensible, délicat et plein d'attention envers le jeune Jack. George s'attire la confiance et l'amour de l'enfant, mais aussi de sa maman, au grand dam d'Edward, rongé par une jalousie dissimulée derrière un sourire de façade. En cette période troublée que traverse l'Angleterre -nous sommes en 1917, la guerre fait rage-, le trouble envahit également cette famille, en particulier Anna, déchirée entre son amour maternel et son irrépressible désir d'émancipation, loin d'un mari qui n'aspire qu'à une vie à la mécanique monotone et bien huilée, à l'image de ses montres.
J'ai aimé ce livre mais je ne parlerai pas de coup de foudre. L'intérêt survient progressivement, les premières pages, à l'écriture soignée, un peu terne, se lisant avec application mais sans passion. L'envol se fait pourtant à un moment précis du récit que je révèlerai pas. La lecture devient soudain bouleversante, l'écriture elle-même perd son côté compassé et témoigne de l'affolement, de la frénésie qui traversent tout à coup les personnages. Anna, jusque là discrète et soumise, flirtant avec la folie et les pulsions qu'elle tente d'étouffer (avec l'aide du paisible et tendre George) acquiert une incroyable densité, de même qu'Edward, incapable d'imaginer le plus petit dérèglement dans son existence précise comme une horloge suisse. Le grain de sable que représente George va gripper tragiquement le mécanisme...
"Un roman anglais" est un livre qui se mérite, dont la beauté prend corps au fil des pages. Je recommande chaudement.
"La guerre et l'horlogerie ont beaucoup à voir l'une avec l'autre. Les aiguilles s'arrêtent dans les montres et les vies sont fauchées. Mourir, c'est voir venir sa dernière heure, une lecture sur un cadran que les proches n'oublient pas"