Lulu Ann est née noire de parents mulâtres. Son père est parti et elle entretient des relations difficiles avec sa mère, qui n'a jamais accepté la couleur de sa fille et lui manifeste un rejet proprement épidermique. Lula Ann doit grandir et se construire avec ce non amour. Devenue adulte, Lula Ann, devenue Bride, conjugue beauté exceptionnelle et réussite professionnelle dans le domaine des cosmétiques. Tout semble lui réussir et pourtant Booker, l'homme qu'elle aime, la quitte brusquement avec ses mots très durs : " tu n'es pas la femme que je veux"...
J'arrête là mon résumé d'une histoire bien plus complexe que les quelques lignes ci-dessus et qui ne m'a pas convaincue. Je l'avoue c'est mon premier Toni Morrison, et si j'étais bornée (je ne le suis pas naturellement :)), je m'arrêterais là avec cette auteure américaine, pourtant l'une des plus grandes. Non, je n'ai pas aimé "Délivrances". J'y ai trouvé une violence écoeurante, une atmosphère totalement glauque, du fantastique un peu incongru (mais pourquoi pas, passons là-dessus), un personnage principal pas très crédible (une si jeune femme qui devient leader d'une importante marque de cosmétiques, je n'y ai pas cru...), une volonté d'aborder des thèmes cruciaux comme le racisme, les rapports familiaux, le rôle du corps dans les traumatismes de l'enfance et puis la pédophilie (un sujet qui me fait habituellement fuir, mais j'étais déjà lancée et puis avec mon amie Julie nous avions prévu une après-midi discussion autour de ce roman. Finalement on a bu des cafés et on a parlé chiffons) mal exploitée, à mon humble avis. Les personnages secondaires trop nombreux, comme la petite Rain ou l'étrange famille qui héberge Bride après son accident, les malheurs atroces de Booker, tout cela part dans tous les sens et donne dans la surenchère pénible du martyre, de la douleur, de la violence faite aux enfants. C'est le risque lorsqu'on veut trop en dire, on finit par sortir quelque chose d'un peu beaucoup brouillon et d'inutilement glauque. |
La forme ne m'a pas davantage séduite. J'ai trouvé qu'utiliser plusieurs personnages pour raconter l'histoire (en plus de quelques chapitres à la troisième personne) était ici sans utilité. Ok le roman choral est à la mode, mais quand on s'appelle Toni Morrison, qu'en a-t-on affaire de la mode? Un bon vieux narrateur omniscient suffit parfois. Pourquoi faire compliqué et moyennement réussi quand on peut faire simple et efficace?
Je n'ai pas aimé "Délivrances", mais comme je le disais plus haut, je ne suis pas bornée et suis persuadée que Toni Morrison a écrit de grands romans susceptibles de toucher mon coeur de pierre. Donc je retenterai. Vos conseils chers lecteurs seront les bienvenus :)
"Elle m’a fait peur, tellement elle était noire. Noire comme la nuit, noir comme le Soudan. Moi, je suis claire de peau, avec de beaux cheveux, ce qu’on appelle une mulâtre au teint blond, et le père de Lula Ann aussi. Y a personne dans ma famille qui se rapproche de cette couleur. Ce que je peux imaginer de plus ressemblant c’est le goudron"
Toni Morrison en a écrit de plus forts. On dirait qu'elle voulait mettre le paquet dans celui-ci. Mauvaise idée. Un jour on va re-tenter un autre, L'Oeil le plus bleu, par exemple. Mais pas tout de suite !