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Aux Bouquins Garnis
1 mars 2017

Un ano con Almodovar# 6- Parle avec elle

 

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"Le cerveau des femmes est un mystère. Dans cet état là, encore plus. Les femmes, vous voyez, il faut s'en occuper, leur parler, avoir des attentions pour elles de temps à autre, les caresser souvent, se souvenir qu'elles existent, qu'elles sont vivantes, qu'on tient beaucoup à elles, c'est la seule thérapie, croyez-en mon expérience."

Sixième édition de notre challenge consacré au grand Pedro... Et ce mois-ci, nous sommes particulièrement gâtées puisque "Parle avec elle" est au programme. Avec ce film, on touche au chef-d'oeuvre, pas moins. Ou pour les gens très très difficiles, on s'en approche dangereusement.

"Parle avec elle" est non seulement un grand film d'amour, de passion, mais surtout une belle histoire d'amitié, entre deux hommes que tout oppose, sauf l'essentiel : l'un et l'autre aiment Alicia et Lydia, toutes les deux plongées dans le coma. Amour impossible pour Benigno, infirmier un peu efféminé aux petits soins pour Alicia, la jolie danseuse victime d'un terrible accident quatre ans plus tôt. Il la bichonne, la frictionne, la maquille et surtout lui parle : qui sait? Elle l'entend peut-être. Il conseille à son ami Marco, rencontré à l'hôpital, de faire de même avec Lydia, torera sauvagement encornée lors d'une corrida, condamnée par la science, perdue pour Marco car amoureuse d'un autre. Je ne résumerai pas davantage,  mais comme l'indique la couverture du DVD, cette amitié entre Benigno et Marco sera" mouvementée" et les sentiments des uns et des autres violents et agités, en dépit des corps immobiles, des émotions comme feutrées entre les murs de l'hôpital, d'une douceur apparente à laquelle Almodovar ne nous a pas habitués. Les violences subies par Alicia n'apparaîtront pas directement à l'écran, mais par le biais d'un incroyable film muet "l'homme qui rétrécissait" (le film dans le film, un procédé courant chez Almodovar) où un homme réduit à quelques centimètres après avoir avalé une potion magique s'introduit dans le vagin de celle qu'il aime pendant son sommeil. Le plaisir transfigure la femme endormie. Un problème moral se pose de toute évidence: celui du rapport sexuel non consenti et qui traité par le cinéaste espagnol, devient curieusement le remède miracle qui sortira Alicia du coma, fait jouir celle qui ignore qu'elle est pénétrée. Nous sommes bien dans un film d'Almodovar : ambigü, sulfureux et provocant au dernier degré.

  " Parle avec elle" joue pourtant à fond la carte du mélo, avec son lot d'amours impossibles et dramatiques conduisant à des actes insensés, ses accidents violents et toujours ces personnages ambigus un peu fous qu'affectionne le réalisateur. Benigno, qui a vécu sous l'emprise d'une mère autoritaire, prend le pouvoir sur Alicia, joue à la poupée avec elle, tandis que Marco, archétype de l'homme viril, s'effondre en larmes après avoir tué une couleuvre et pleure devant le "Café Muller" de Pina Bausch. Comme toujours chez Almodovar, les êtres sont ambivalents, les tendres et doux ne sont pas ceux qu'on croient. Une femme comme Lydia, phobique des vipères, affronte pourtant des taureaux -celui qui aura raison d'elle pèse plus de 500 kilos- et lorsqu'elle revêt son habit de lumière, son identité sexuelle se brouille. De même, la sexualité de Benigno pose question : est-il homosexuel? Est-il vierge? Il ment pour rester au chevet d'Alicia, mais les propos qu'il tient au début du film, les rumeurs qui circulent à son sujet entretiennent sa part d'ombre.

Du pur mélo oui, mais à la sauce Almodovar, sensuel, troublant : le corps nu et inerte d'Alicia est livré aux regards, Lydia fait face au taureau dans un ballet sensuel filmé au ralenti, la sensualité qui émane des danseuses crève l'écran. "Parle avec elle" rend également hommage à l'art et au spectacle : danse, chants (langoureux et émouvants) tauromachie sont mis à l'honneur dans ce beau film qui refuse comme souvent la facilité d'une narration linéaire sans volonté toutefois de perdre le spectateur, puisque les différentes périodes du film sont systématiquement indiquées. Je l'ai sans doute déjà dit, mais j'aime ce procédé littéraire et cinématographique, qui permet d'entretenir le suspens, apporte par petites touches les éléments nécessaires à la compréhension de l'histoire.

"Parle avec elle" est dans le duo de tête de mes films préférés d'Almodovar, au coude à coude avec "La mauvaise Education". Je ne peux que vous le recommander chaudement. Ma copine et partenaire Pousse de Ginkgo l'a beaucoup aimé aussi. Elle en parle ici.

Le mois prochain, on regarde "La loi du désir". Pour l'ensemble du programme, cliquez sur cliquez :)

                un-ano-con-almodovar

 

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Commentaires
D
Bonsoir Une Comète, comme toi, j'avais beaucoup aimé ce film avec des acteurs formidables en particulier Javier Camara. Bonne soirée.
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A
Tiens je ne l'ai pas vu celui-ci !! ;) Il faudra que je trouve le temps de le regarder un jour ou l'autre...
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U
Je commence à vraiment beaucoup aimer Almodovar, et ce film m'a énormément touchée... Merci pour le partage et le qualificatif de délicatesse... "Parle avec elle" le mérite bien.
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P
D'accord avec toi pour dire que c'est un chef d'oeuvre. De la passion, moins de fantaisie, plus de pudeur, j'aime mieux ce style épuré. Tu en parles avec bcp de délicatesse (et d'admiration !)
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