la bonne nouvelle du lundi :) - Un soir à la maison, Annie Saumont
"J'écris du rap quand ça dérape"
Annie Saumont est décédée la semaine dernière. C'était une grande dame et une immense auteure de nouvelles. J'adorais son style si particulier, son talent incroyable pour créer un monde, bâtir un personnage et une intrigue en seulement quelques lignes. En ce lundi, je veux lui rendre hommage en présentant une de ses bonnes nouvelles (excellente même) "Un soir, à la maison" extraite du recueil du même nom (2003)
Un des grands talents d'Annie Saumont est de permettre au lecteur de situer très vite qui s'exprime, homme, femme, enfant, ou à quel type de personnage il a affaire. Dans cette nouvelle écrite à la première personne, on devine immédiatement que la voix est celle d'un enfant. Il a une rédaction à faire. Le thème :"un soir, à la maison". Il regarde autour de lui, comme "le maître a dit," en suçotant la pointe de son stylo bic et ce qu'il voit, il le commente. Il y a le frère, qui écrit du rap, encore sous l'effet du joint qu'il vient de fumer, la soeur qui vernit ses ongles (en vert, la classe), les petits derniers qui se chamaillent, maman qui se querelle avec sa fille et papa qui lit "Le parisien" et râle en découvrant les nouvelles : "toujours les mêmes discours sur les logements sociaux à réhabiliter et on nous laisse pourrir dans du pourri". Grâce à une foule de petits détails, on comprend qu'il s'agit d'une famille modeste, comme en voit tant, une famille qui se nourrit de pizzas surgelées depuis que le père a perdu son travail, pizzas qu'elle commandait dans le temps chez "Star Piz". La soeur qui travaille au Leroy Merlin rayon sanitaire "a choisi de "faire actrice" et aime bien les livreurs de pizzas... L'enfant se fait observateur attentif de la famille qui s'agite autour de lui (et informe en même temps le lecteur) mais s'interroge: peut-il raconter sa réalité d' "un soir, à la maison" dans un devoir?
Cette nouvelle est une pépite de tendresse et de justesse. Annie Saumont, d'une plume orale et enfantine, décrit le quotidien pas forcément drôle des gens" d'en bas" mais sans aucune tristesse ni misérabilisme. Cette famille n'est en effet pas spécialement malheureuse. la mère continue de battre des cils devant les livreurs de pizzas et la soeur a de grandes ambitions... Le regard-témoin de l'enfant balayant son entourage est à la fois amusant et émouvant, tant sa difficulté est grande à reporter sur son cahier une réalité loin de faire rêver... Une mini-tranche de vie de quelques pages dont la fin parvient à surprendre : une grande réussite !
Billet dédié à ma Julie, qui aime beaucoup Annie Saumont et particulièrement cette nouvelle :)
Rendez-vous tous les lundis ou presque avec une "bonne nouvelle", à l'initiative de Martine :)