Tout cela n'a rien à voir avec moi- Monica Sabolo

2 juin 2016

Tout cela n'a rien à voir avec moi- Monica Sabolo

"Cher Monsieur Diakgite,

Je me permets de vous écrire car j'ai reçu, au métro Porte d'Orléans, un prospectus à votre nom dont l'exergue ("PAS DE PROBLEME SANS SOLUTION") a attiré mon attention. Je vous avoue qu'en dépit de ma nature sceptique et de la réputation épouvantable de votre profession, vous avez réussi à m'intriguer. Peut-être est-ce l'usage de formules percutantes alliant la simplicité du propos à la force de frappe du marketing? Car voyez-vous, monsieur Diakgite, mon partenaire "ne court pas derrière moi comme un chien derrière son maître"- il est même tout à fait émancipé dans sa course. Mais alors que je n'y avais jamais songé en ces termes, cette perspective m'a soudain semblé attrayante. C'est pourquoi je joins, comme indiqué sur votre réclame, une enveloppe timbrée, une photo de moi, ma date et mon lieu de naissance ainsi qu'un mégot sur lequel l'être aimé a posé ses lèvres."

MS aime XX, son collègue de travail. Passion non partagée. Situation banale certes, mais jamais simple à vivre. Comme beaucoup d'écrivains qui aiment se répandre, MS nous offre le récit de son naufrage amoureux dans un livre. On se dit " Ok, une pleureuse de plus"... et on est loin du compte.

"Tout cela n'a rien à voir avec moi" n'est pas un simple livre. C'est un objet littéraire unique en son genre. Mails, sms, lettres à un auteur mort, à Bouygues Télécom, photos d'objets hétéroclites: gâteau, radio des poumons, briquet... cet assemblage faussement fantaisiste ne laisse rien au hasard et a bien entendu tout à voir avec l'histoire qui nous est contée. MS décrypte, de façon quasi scientifique, les affres de la déception amoureuse et divise son livre en trois parties. "De l'aveuglement", où tout ce qui se rapporte à l'autre est formidable, même une simple serviette en papier puisqu'elle rappelle un moment partagé avec l'être aimé dans un café..."Des antécédents" : MS s'interroge sur les origines d'un comportement amoureux répétitif forcément voué à l'échec (les réponses se lisent en filigrane au travers d'une histoire familiale douloureuse et édifiante) et enfin de l'effondrement: oui tout est fini bien fini... mais les copains sont là (hilarante, la liste des livres offerts à MS pour la consoler) l'illustration tragi-comique du Titanic qui ouvre le roman prend alors tout son sens.

J'ai été déconcertée trois minutes par ce livre, mais seulement trois minutes. Monica Sabolo réussit le tour de force d'une mise en page totalement expérimentale sans jamais négliger le fond : son histoire est à la fois drôle et émouvante, elle a sans aucun doute tout à voir avec elle mais aussi un peu beaucoup avec nous. Et ça c'est bien. J'aime quand les bouquins (surtout ceux dont on n'attend pas grand chose, c'était le cas ici) finissent par ouvrir sur quelque chose d'universel... on est finalement bien loin de la bluette.

Une sacrée bonne surprise !

Posté par Une Comete à 09:06 - Commentaires […] - Permalien [#]

Tags: Roman, français, photographie