L'attente- Catherine Charrier
"L'attente est un sein maternel auprès duquel il fait bon se blottir"
Un roman téléchargé sur ma liseuse à l'époque où tout le monde le lisait. Mis de côté pour plus tard comme tant d'autres. Et revenu par hasard, alors que je fouinais dans ma bibliothèque Kindle. J'ai lu les première lignes... et ne me suis plus arrêtée. Un coup de coeur, une claque...
Je vais vous la faire courte, j'ai tellement été touchée par ce livre que les mots vont me manquer, je n'ai pas forcément envie d'analyser, juste dire l'émotion qui a été la mienne tout au long de ma lecture. "L'attente "est vraiment un livre qui bouscule.
Marie et Roch sont amants. Ils s'aiment. Mariés et parents chacun de leur côté, une situation professionnelle où ils sont amenés à se retrouver, ils vivent une histoire passionnée et discrète. Un jour, Roch dit ceci :" si ça continue, dans un an je la quitte et je t'épouse". A partir de là, Marie se met à attendre. Des mois, des années. Eprouvant, ce décompte des jours qui rythme les chapitres : "J +:..." Eprouvant car au fur et à mesure que le chiffre grossit, (j'allais régulièrement consulter internet pour voir à combien d'années correspondaient les jours... on arrive à quelque chose d'énorme... elle l'a attendu... 13 ans !) on se demande avec angoisse quelle va être l'issue de cette attente interminable. Une attente qui de plus en plus se dilue, perd son sens, mais qui perdure et devient la raison de vivre de Marie, malgré les enfants qui grandissent, l'éloignement géographique, la certitude que la situation n'évoluera pas dans le sens que l'on espère...
J'en suis encore toute retournée. L'écriture de Catherine Charrier est d'une beauté sans nom, d'une précision et d'une sensualité bouleversantes. Les passages où l'attente est décrite, personnifiée, sont admirables. L'obsession de l'autre que l'on croit voir partout, l'abattement, l'anxiété, l'euphorie, l'espoir, ce maelström d'émotions que provoque une passion coupable, tout cela aussi sonne terriblement juste. Etre dans la tête de cette femme (car tout est écrit au "je", vu par le seul prisme de Marie, on ne sait jamais quels sont les sentiments, les émotions de Roch, personnellement ça ne m'a pas manquée, j'ai aimé ce flou, il m'a moins intéressée qu'elle de toute façon) constitue un moment littéraire et émotionnel intense. Marie intellectualise beaucoup c'est vrai, -on la comprend un peu vu sa situation- mais elle n'est pas seulement une cérébrale. Chaque moment volé à son amant est une fête des sens, et cette complicité charnelle demeurera jusqu'au bout.
L'attente est un roman dérangeant, troublant, sur l'amour, le désir, la quête éperdue du bonheur, à la fois brûlant et glaçant... car bon sang, on n'aimerait pas être à la place de Marie... Je partage le point de vue de Cuné qui dit que c'est "un roman important". Je vais même plus loin : pour moi c'est une lecture essentielle, de part sa justesse et l'émotion qu'elle fait naître chez le lecteur, qu'il soit concerné ou pas par le sujet...
"L'attente est le règne du "vu comme ça".
L'attente est confortable. S'y nichent les peteites bassesses, les petites lâchetés des aventures illégitimes, ce qu'on ne dit pas, parce que ce n'est pas la peine. Elle encourage l'inertie, supporte la paralysie, la répétition du même, jour après jour. Elle est insulte au mouvement, au changement, mais aussi à tout ce qui nous précipite vers la fin, la mort. L'attente est la vie, ma vie. Ma vie qui ne peut pas être autrement."
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