Echapper- Lionel Duroy
"Quand je n’écris pas, il me semble que la vie continue sans moi, que je la regarde passer sur le fleuve depuis la berge. Il n’y a qu’en l’écrivant que je parviens à l’attraper, que je la fais exister… alors aussitôt surgit le désir… Je ne sais pas comment font les gens qui n’écrivent pas"
Pour échapper à une vie qui lui fait mal, Augustin, écrivain et avatar de l'auteur, s'installe au bord de la Baltique, entre l'Allemagne et le Danemark. Il part sur les traces du peintre Emil Nolde, à qui le régime nazi interdit d'exercer son art «dégénéré» et qui devint le héros du livre «La leçon d'allemand». Augustin rêve d'écrire la suite de ce roman et en un lieu à la fois hostile et lumineux, il reprendra goût à la vie et retombera même amoureux, lui qui fut tant marqué par deux unions désastreuses et pensait avoir renoncé...
Que voilà un livre étrange, qui aurait dû m'enthousiasmer tant il est pétri de qualités. L'écriture de Duroy est d'une beauté à toute épreuve, la construction du roman originale, avec ses histoires enchâssées, celle du peintre fictif de «La leçon d'allemand», celle d'Emil Nolde, qui font écho à la propre vie du narrateur, et puis ces pages sont tellement remplies d'amour de la littérature, de la nécessité de créer, d'amour tout court... la sincérité de l'auteur est totale, on le sent «habité» par les livres, pénétré par le besoin de créer pour enfin renaître. J'ai aimé cela.
Cela n'a pas pourtant pas suffi à me convaincre sur la longueur. Trop introspectif, voire auto-complaisant, j'ai fini par m'agacer que le lecteur soit un peu oublié dans l'affaire. Trop occupé à panser ses plaies, Augustin-Lionel me tient respectueusement à distance, me laisse à l'extérieur de ses projets, de sa vie, de ses amours... Je ne dois pas être une bonne cliente pour l'autofiction, j'aime quand l'auteur me fait participer, sentir qu'il écrit aussi -un peu- pour moi. Ce n'est pas le cas ici, malgré le petit rebondissement romanesque de la fin. Dommage.
"Je ne veux pas qu'on m'aide à choisir un livre, ou alors qu'on m'aide aussi à choisir ma femme. Un livre, c'est tout à fait semblable, il faut pouvoir le regarder silencieusement la première fois sans être vu, lui tourner autour, essayer de se projeter en sa présence une fois chez soi, la porte refermée"