A vous- Catherine Cusset
"Vous n'écrivez pas ce que vous vivez, vous vivez ce que vous écrivez"
Marie vit aux Etats Unis, avec son mari Eduardo. Elle ne peut oublier sa rencontre avec l'écrivain français Aloïs Man, séducteur et envoûtant, qui lui a fait promettre d'écrire un roman et de le lui faire parvenir. La frustration sexuelle de Marie, contrainte à l'abstinence auprès d'un mari "en panne", en sera le douloureux sujet. Son roman écrit et envoyé, la jeune femme va devoir affronter le silence d'Aloïs. Silence qu'elle ne comprend pas, qu'elle refuse, qu'elle interprète :"vous êtes débordé" "vous me méprisez" "vous n'en avez rien à faire"... Ce silence devient un poids tellement insupportable que Marie décide d'en finir avec cette obsession qui fait de sa vie un enfer.
Après le complet plaisir d'Indigo, j'avais encore envie de Catherine Cusset (enfin de ses livres...) et j'ai enchaîné sur ce roman, un peu par hasard. J'aurais pu lire "Le problème avec Jane" mais j'en ai tant entendu parler que j'ai eu peur d'être déçue. Dans le cas présent, je ne parlerai pas de déception, mais plutôt d'un ressenti contrasté, entre l'envie de lâcher le livre (surtout au début, les premières pages sont déroutantes...) et l'impossibilité de le lâcher avant la fin, justement. Les montagnes russes, quoi.
Pour une fois, je vais céder à la facilité en évoquant ce qui me semble être les points forts et les points faibles de ce drôle de roman. Le style d'abord. Elle écrit bien, cette Cusset, les mots sont choisis, la langue est ciselée. Les vraies belles écritures ne sont pas si fréquentes, et vraiment je me suis délectée de cette élégance. L'exercice consistant pour l'écrivain à se mettre dans la peau d'un écrivain écrivant à un autre écrivain est aussi un pari intéressant et dans le cas présent, réussi.
Le roman comporte quelques moments intenses : j'ai aimé celui où Marie se met enfin à écrire, comme possédée, oubliant tout le reste. (Un état que j'aimerais bien retrouver, moi qui suis incapable d'accoucher d'une ligne depuis la naissance de Poupouce, à part quelques chroniques sur ce blog, fin de la parenthèse perso). J'ai également été sensible à son désir -contrarié- de maternité, à la violence de ce qu'elle subit dans son couple. La montée en puissance de la frustration, les personnages à fleur de peau, leur impuissance physique et mentale (Marie ne fait que subir le silence d'Aloïs, jusqu'au moment où...) le personnage du mentor dont on ne sait au final pas grand chose, un suspense parfaitement ménagé par l'auteur, tout cela est bon et accrocheur.
Dommage, il y a malgré tout quelques bémols : une héroïne qu'on peine à trouver sympathique, malgré les épreuves intimes qu'elle traverse, tant elle apparaît imbue d'elle-même, capricieuse, dérangeante, hystérique par moments, surtout dans son comportement sexuel (un peu chargé tout de même...). Je n'ai pas été tellement convaincue non plus par l'obsession de Marie à l'égard Aloïs, je ne sais pas pourquoi il m'a manqué quelque chose pour adhérer. Marie est une femme pétrie de contradictions (fatigante) entre naïveté et provocation, on a du mal à la suivre. Après quelques recherches, j'ai cru comprendre que c'était la marque de fabrique des personnages de Cusset. Soit. Mais le roman m'a paru finir en quenouille, une chute en forme de" tout ça pour ça" bien décevante. Et ça, ça ne pardonne pas...
Je n'en ai pas fini avec Catherine Cusset malgré ce bilan mitigé. J'aime son écriture, son univers. Je me suis enfin procuré "Le problème avec Jane" (ça y est je me lance !) que je vais lire très vite.