J'ai lu et aimé Véronique Ovaldé, il y a quelques années. Et puis je l'ai oublié. C'est honteux. Si Rose-Marie n'était pas passée par là, je n'aurais même pas eu l'idée de lire "Ce que je sais de Vera Candida". Encore plus honteux. Je serais passée à côté d'une petite merveille, comme on a peu l'occasion d'en croiser dans une vie de lectrice.
Lire Véronique Ovaldé, c'est se détacher tout doucement du réel, partir vers des contrées imaginaires (ici, quelque part en Amérique du sud) suivre passionnément le destin de personnages fantasques, terribles, odieux, amoureux, touchants, frappés par le destin, la maladie, la malchance... Ce livre est un petit miracle, le genre de livre qui vous fait lever les bras au ciel et crier "Oh mon dieu que c'est beau ! Mais comment fait-elle? " toutes les trois lignes. Non, je ne suis pas folle. Mais ceux qui ont lu "Vera Candida"comprendront.
Vera Candida, c'est l'histoire, très sombre, de quatre femmes: Rose, Violette, Vera Candida, Monica Rose. L'existence des trois premières est marquée par l'enfantement précoce, celui d'une fille. Le géniteur, qui est-il? On ne sait pas, on devine à peine... La violence que subissent ces femmes, toutes les femmes, est en tout cas au coeur du roman, dont les hommes ne sortent pas grandis. Ils violent, ils maltraitent, ils sont veules et minables. Mais parfois, les femmes refusent de se soumettre, elles avancent, fièrement, courageusement, leur enfant sous le bras. C'est le cas de Rose qui fuira l'amant maudit, c'est aussi celui de Vera Candida, dont le chemin va heureusement croiser celui d'Ixtanga. Ixtanga le tendre, l'amoureux transi, celui qui rachète à lui seul toutes les vilenies masculines...
Enfin, comment parler de Véronique Ovaldé sans évoquer son écriture absolument magique, qui se joue si merveilleusement de la ponctuation, de la syntaxe, qui se déploie, pleine de grâce, inventive, mêle si subtilement les registres de langue. Comment fait-elle, mais comment fait-elle?! La moindre phrase de Vera Candida est un enchantement !
J'ai beaucoup pensé à Boris Vian en lisant "Vera Candida". J'ai ressenti des choses semblables, jadis, en découvrant "L'Écume des jours" ou "L'Arrache-Coeur". Des frissons, le coeur qui bat un peu plus vite, un pincement à l'estomac... de l'admiration, de l'envie aussi. J'aimerais écrire comme Véronique Ovaldé, bon sang !
Un grand merci à Rose-Marie :)
"Pendant des années, quand Monica Rose s'assoirait sur le canapé entre Vera Candida et Itxaga, elle se serrerait contre eux, bougerait son minicul comme si elle se faisait un nid, les prendrait par le bras et dirait, On est bien tous les deux.
La première fois, Vera Candida rectifierait, On n'est pas deux, on est trois.
Et Monica Rose répondrait, On est bien quand même."
***
« Rose Bustamente, la grand-mère maternelle de Vera Candida, avant de devenir la meilleure pêcheuse de poissons volants de ce bout de mer, avait été la plus jolie pute de Vatapuna. Répudiée à quatorze ans par sa mère parce qu’elle n’était plus vierge, Rose Bustamente, avait vécu chez des cousins sur les hauteurs de Vatapuna. Les cousins en question étaient ceux dont les fils avaient fréquenté d’un peu trop près Rose Bustamente. On n’avait pas su si c’était pour cette raison qu’ils l’avaient accueillie chez eux. Ils l’hébergèrent pendant quelque temps avec une sorte d’indifférence fruste comme si elle avait été une biquette de plus. »
***
Ta mémoire est une immense commode avec des millions de tiroirs et parfois les tiroirs sont coincés."
Comment ne pas inscrire ce roman au challenge de Litote?
Et à celui de Sharon?