"Tous ensemble, mais sans plus"- Georges Flipo
Encore un avantage à être blogueuse (j'en trouve tous les jours en ce moment !) : faire partie d'une chaîne. Nouveau pour moi. Cela consiste à recevoir un livre que l'auteur a eu la gentillesse de mettre en circulation. Celui-ci s'est déjà pas mal baladé et je suis vraiment très contente de l'avoir enfin eu entre les mains. D'autant qu'il s'agit de nouvelles. Et moi, les nouvelles, j'aime, j'adore.
J'ai beaucoup apprécié la lecture de celles-ci. J'ai aimé la vivacité du ton, le rythme enlevé, la variété des situations, la diversité des personnages, qui n'empêchent pas une vraie unité du recueil, indispensable selon moi. Ici, des hommes et des femmes que tout semble opposer se rencontrent, se lient... ou presque. Ou pas. "Le bonheur de vivre ensemble" dont parle la quatrième de couverture, les personnages des quatorze nouvelles l'approchent, le frôlent. Souvent ça ne marche pas. Chacun reprend sa route, après avoir croisé, simplement croisé celle de l'autre. Qu'il s'agisse d'amoureux issus de milieux culturels totalement opposés ("Les choses du marais"), d'une cohabitation forcée dans une chambre d'hôpital, ("Le Monsieur de l'autre lit"), d'un postulant à l'emploi pas tout à fait conforme, ("Tous ensemble, mais sans plus"), pénétrer un monde qui n'est pas le sien, accepter les différences est loin d'être évident. Pourtant, ce constat n'engendre pas la tristesse. Ces nouvelles sont émouvantes (magnifique "Montée vers le ciel", ma préférée), cyniques, mais jamais tristes. L'humour mordant et la tendresse sont ici de parfaits vecteurs d'émotion. Dommage alors cette tendance à vouloir démontrer parfois, appuyer (trop) le propos, comme dans la nouvelle qui donne son titre au recueil, ou encore dans "Une fâcheuse fièvre". J'ai envie de dire que le lecteur est capable de tout comprendre, de saisir tous les messages que l'auteur veut faire passer, surtout lorsqu'ils sont diffusés avec subtilité, ce que George Flipo sait faire de toute évidence. C'est mon seul bémol sur l'ensemble d'un recueil qui m'a largement convaincue.
Grand merci cher monsieur Flipo, et merci aussi au lecteur qui m'a fait parvenir le recueil.
A mon tour de faire passer !
Extraits:
"Philippe sentit monter une colère muette et impuissante. Il ne pouvait évidemment plus faire un scandale et réclamer sa chambre pour lui seul, ce serait très désobligeant envers ce Kristofer avec tous ses k qui lui souhaitait la bienvenue. Il ne tenait pas à passer pour xénophobe, d’autant que le chirurgien qui devait l’opérer portait un nom imprononçable, genre tchèque ou slovaque, « mais il est français comme vous et moi », l’avait rassuré son médecin traitant. Kristofer Kask, lui, n’était certainement pas français, en tout cas pas comme vous et moi, il avait un affreux accent venu de nulle part, avec des consonnes finales qui claquaient et d’autres qu’il mouillait.
- C’est très joli, votre accent, vous venez de quel pays ?
- Je suis estonien, mais il y a longtemps que je vis en France.
- Ah, parfait.
Philippe avait hésité à ajouter « J’aime beaucoup l’Estonie », mais il s’en était abstenu, craignant que Kristofer lui demandât ce qu’il aimait en Estonie. Que diable y avait-il à aimer en Estonie ?" (Le Monsieur de l'autre lit)
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"Constance avait toujours cru que Yannick s'était coulé dans le moule Beau-Denivard et avait adopté le style Tête d'Or parce qu'il représentaient pour lui un idéal supérieur. Elle comprenait qu'il n'en était rien : il s'était adapté parce qu'il fallait bien que l'un des deux s'adapte, et ce ne pouvait pas être Constance. Elle pouvait vivre dans un orphelinat au Mali, mais elle ne pourrait jamais taper sur les épaules des gars du hand en buvant des bières, ni commenter les émissions de télé en avalant des pastis avec la famille de Vénissieux." ("Les choses du marais")
Le recueil a beaucoup voyagé. Il a été lu par Philisine, Kathel, Aifelle, Liliba, Keisha... et continue sa route :)
Je rappelle que l'auteur a aussi un blog. Pour lui rendre visite, c'est ici.