"La couleur des rêves"- Rose Tremain
Si vous aimez les histoires pleines de fougue, de passion, les horizons lointains, les personnages attachants, fouillés, chargés de terribles secrets bien gardés -mais pas trop quand même, la patience du lecteur a ses limites et Rose Tremain, cette grande romancière, l'a bien compris- arrêtez tout. "La couleur des rêves" est fait pour vous.
Ah, qu'il était bon de suivre les aventures de Joseph et d'Harriet Blackstone, au coeur de la Nouvelle-Zélande, à la poursuite de l'or, la "couleur" qui rend fou...
Le roman démarre sur " la maison de pisé", exposée aux vents, construite en dépit du bon sens par l'entêté Joseph, fuyant l'Angleterre et un passé douloureux qui le ronge. La Nouvelle-Zélande, il l'espère, lui apportera la fortune et la sérénité. Sa mère Lilian et son épouse Harriet l'accompagnent dans son exil, l'une à contrecoeur, préparant déjà son départ en secret, l'autre avec le rêve d'une nouvelle vie où l'amour aura sa place.
Ce n'est pas gagné. Les Blackstone sont pauvres, la vie est difficile, la maison risque à chaque instant de s'écrouler et d'amour... il n'y a point. D'enfant non plus. Joseph, pour d'obscures raisons, n'en veut pas. Ce qu'il veut, c'est l'or, trouvé par hasard au fond d'un ruisseau et pour lequel, enfiévré, il abandonne sa femme et sa mère, promettant de revenir lorsqu'il aura fait fortune. Harriet, pourtant, le rejoindra...
Formidable, palpitant, remarquablement écrit, "La couleur des rêves" vous pouvez me croire, ne va pas vous décevoir (ou alors vous êtes trèèèèèèèès difficile). On est dans du romanesque, certes, mais du romanesque "haut de gamme" : Le cadre, les rebondissements, les héros qui n'en sont pas tant l'auteur a pris soin de les rendre vulnérables, complexes, antipathiques et touchants, rien n'est laissé au hasard. J'ai détesté Joseph, rude et cupide, mais sa souffrance m'a émue, quant à Harriet, l'inflexible Harriet, elle est tout simplement superbe et bouleversante. Lorsqu'après bien des épreuves, l'amour va croiser sa route... eh bien, c'est beau, vraiment très beau. Je n'oublie pas les personnages secondaires (nombreux et intéressants) et l'aspect légendaire qui traverse tout le roman et lui donne un souffle, une dimension poétique incroyables. Tout est là.
Un gros coup de coeur que ce roman, qui m'a fait vibrer pendant quelques jours (et même après, il laisse des traces, j'ai un peu de mal à me plonger dans d'autres lectures depuis que je l'ai refermé) un gros coup de coeur aussi pour Rose Tremain dont "Le retour au pays" m'avait déjà séduit l'été dernier.
J'ai envie de dire qu'être lecteur est une chance formidable, lorsqu'on tombe sur ce genre de pépites :))
Les premières lignes :
"De tous les vents, ceux du sud étaient les plus froids, et la maison de pisé se dressait sur le chemin des vents.
La nuit, Joseph Blackstone ne trouvait pas le sommeil. Il se demandait s'il fallait démolir la maison pour la rebâtir ailleurs sur ses terres, plus bas, où elle serait abritée. Il la démolissait mentalement.
Mentalement il la rebâtissait au creux d'un petit vallon. Mais il n'en parlait pas et ne faisait rien. Les jours et les semaines passèrent, l'hiver arriva et la maison de pisé resta où elle était, exposée aux vents cruels."
Trois challenges, chez Sharon, Litote et Antoni :