Ravie de ma lecture de "Oh...", le dernier roman de Philippe Djian, j'en ai repris une tranche sur les conseils de Sophie. Merci à elle !
Donc "Incidences".
Marc, la cinquantaine, est universitaire. Grand consommateur de cigarettes et de p'tites pépées (en toute discrétion pour ces dernières, du moins l'espère t-il) il vit sous le même toit que sa soeur Marianne, dépressive et anorexique. Tous deux, après une enfance bousillée, ont construit une drôle de relation entre solidarité, amour, jalousie... des sentiments compliqués et bien tordus comme Djian les affectionne (et moi aussi... dans les romans)
Lorsque l'histoire commence, Marc est au volant de sa Fiat, en compagnie de Barbara, une jeune et jolie étudiante avec qui il compte finir la soirée par une petite partie de jambes en l'air.
Au matin, il découvre qu'elle est morte. Tout à fait morte. Pourquoi? Comment? On ne sait pas. Marc, lui, ne s'embarrasse pas de détails, l'essentiel étant de faire disparaître le cadavre. Il est étonnant ce Marc, avec ce côté très froid, calculateur, en contradiction totale avec un tempérament de feu... :) J'ai beaucoup aimé ce personnage, vieillissant, cynique, jaloux, empestant la clope, qu'on croirait incapable d'aimer. Mais, parfois il suffit d'un cadavre...
Des cadavres, il y en aura d'autres tout au long de ce roman troublant, et aussi beaucoup de sexe, de l'amour, surgissant de façon tout à fait inattendue au travers d'un personnage dont je ne dirai rien pour ne pas gâcher. De quoi déboussoler complètement le pauvre Marc.
Tout ceci est assez réjouissant, avec un final époustouflant ( j'adore les chutes qui surprennent, avec Djian je suis gâtée !) et même si j'ai été davantage enthousiasmée par "Oh...", j'ai retrouvé dans "Incidences" ce qui m'avait donné envie de revenir vers Djian : une narration alerte, efficace, des"incidents" en veux-tu en voilà, -rocambolesques mais chez Djian, ça ne me dérange pas, allez savoir pourquoi- des personnages complexes et touchants même s'ils sont haïssables, un humour noir qui me plaît, quelques volées de bois vert lancées contre la médiocrité supposée de la littérature actuelle... ("Qu'on nous rende Marguerite Duras !" )
Pour conclure, je dirai qu"Incidences" est un bon roman, mais truffé de non-dits et de sous-entendus, et ce malgré des retours fréquents vers le passé inclus de façon très fluide dans la narration, nous éclairant sur la personnalité des différents protagonistes et leurs raisons d'être ce qu'ils sont. Ai-je lu trop vite? En refermant le livre, je ne suis pas bien sûre que mon interprétation soit la bonne et j'avoue, cela m'énerve un peu. J'aime bien qu'on me balade, mais je n'aime pas l'idée de "passer à côté".
Si vous l'avez lu, on peut en parler par mail, pour ne rien dévoiler aux lecteurs qui auraient envie de lire "Incidences".
Je serais curieuse d'avoir votre avis...
Extraits:
"Bien des choses s'étaient arrangées à partir du moment où il avait compris qu'il ne serait jamais un écrivain, un véritable écrivain . Mieux valait le savoir. Une formidable renaissance, pour lui. Il avait conscience du fardeau qui lui était épargné. Sans doute quelque chose à l'intérieur de lui-même avait-il été fracassé, écrabouillé, mais quel soulagement au bout du compte, quelle libération. Il frémissait parfois à la simple éocation de la sidérante vie monacale à laquelle il avait échappé (qui revenait à manipuler un produit radioactif à mains nues jusqu'à finir brûlé, ou respirer de l'amiante, si l'on s'en tenait au résultat final, à savoir. Aucun véritable écrivain n'y échappait. Il n'y avait aucune exception. Personne ne pouvait envier ces gars-là. Personne ne pouvait comprendre que l'on puisse choisir de se laisser dévorer le coeur sans broncher. La plupart des étudiants estimaient qu'il s'agissait d'un métier comme un autre."
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"Il souhaitait néanmoins la protéger. Dans la mesure du possible. La préserver. Il lui devait bien ça. En passant devant sa chambre, il donna quelques petits coups sur la porte pour lui souhaiter bonsoir. Il l’entendit pleurer. Il détestait l’entendre pleurer. C’était une chose qu’il ne pouvait supporter. De sorte qu’il retourna sur ses pas et enfila son manteau avant de sortir de la maison. Dehors, la lune brillait dans le ciel comme un diamant dans son écrin, littéralement. Il faisait frais. Il alluma une cigarette et s’avança dans le jardin, jusqu’à la route qui commençait à se couvrir d’un léger voile de brouillard flottant au ras du sol. Il la traversa, puis s’enfonça dans les bois."
Une belle contribution familiale pour Sharon :)
D'autres blogs parlent d'"Incidences". Allez donc faire un tour chez Zazy, par exemple, ou sur le blog "Là où les livres sont chez eux."